Les vacances me laissent quelque temps pour regarder la télévision, en particulier les émissions historiques et politiques, mais aussi celles consacrées aux problèmes environnementaux, sur lesquels je reviendrai prochainement. La chaîne parlementaire-Assemblée nationale diffusait ainsi hier dimanche une émission consacrée au roi Abdallah II de Jordanie, émission fort intéressante et qui permettait de mieux connaître ce jeune souverain (il est né en 1962, au début de l’année quand je suis né à son terme) et les conditions politiques et géopolitiques de ce petit royaume coincé entre des pays parfois fort déchirés, comme l’Irak ou les territoires palestiniens.
Ce roi n’a su qu’il monterait sur le trône que douze jours avant la mort de son père, le roi Hussein de Jordanie ; jusque là, il avait, après des études en Europe et aux Etats-Unis, suivi une carrière militaire sans histoire. Son mariage avait été un « conte de fée » mais qui n’est pas sans heureuses conséquences politiques, en particulier aujourd’hui : en effet, la reine Rania est d’origine palestinienne et, de plus, elle apparaît comme le symbole d’une féminité et d’une modernité conjuguées avec la foi musulmane.
D’ailleurs, dans un monde musulman parcouru de spasmes violents et de crises encore irrésolues, le roi de Jordanie, qui descend directement du Prophète Mahomet (ce qui lui donne une légitimité religieuse importante près des populations musulmanes), prône un Islam, non pas seulement tolérant mais ouvert, comme il le souligne dans son entretien avec les journalistes français, et acceptant les autres religions, les respectant dans leur intégrité et leurs différences : c’est d’ailleurs le sens de sa « déclaration interconfessionnelle d’Amman » publié au début des années 2000. Cela explique que son pays soit, lui aussi, visé par les islamistes d’Al-Qaeda qui ont fait exploser plusieurs bombes en 2005 dans la capitale jordanienne, faisant des dizaines de victimes, en particulier dans une cérémonie de mariage dont l’un des survivants (le marié) témoignait devant la caméra. Ces attentats, qui cherchaient à déstabiliser le royaume et à renverser le roi considéré comme trop « pro-occidental » par les islamistes, ont, au contraire, renforcé la position d’Abdallah, les Jordaniens ne voulant pas d’un scénario « à l’irakienne », en constatant (de très près) les horreurs quotidiennes, dont la guerre civile et interconfessionnelle est la pire des illustrations.
La monarchie jordanienne, par son principe même, est l’antithèse d’une dictature, et le roi, militaire lui-même, n’a pas besoin de militariser la société comme c’est trop souvent le cas dans les pays limitrophes, puisqu’il est l’incarnation légitime, inscrite dans le temps, de l’Etat et de son armée. La position d’indépendance du roi, qui ne tient pas son pouvoir d’une « clientèle » quelconque, est aussi un élément important pour jouer un rôle d’arbitre dans la région et trouver l’équilibre (sans oublier la justice) entre des forces contradictoires et souvent antagonistes. Malgré sa situation géopolitique particulière et dangereuse, la Jordanie apparaît ainsi comme une « oasis », avec des institutions permettant aux principales opinions politiques ou religieuses de s’exprimer, ce qui n’est pas si fréquent dans la région.
Cela n’empêche pas, évidemment, les problèmes, en particulier sociaux, mais la monarchie jordanienne, qui ne peut s’appuyer ni sur des ressources pétrolières ni sur des revenus industriels, joue la carte de l’éducation et de la « matière grise » en espérant que cela lui permette de devenir dans les années à venir un véritable « pôle d’excellence » dans la région.
Ce qui permet au pays d’affronter tant de dangers et de relever tant de défis sans, pour autant, oublier les devoirs d’humanité et de liberté, c’est la continuité monarchique et la fidélité qu’elle suscite chez les habitants et les communautés, fidélité qui n’a rien à voir avec l’idolâtrie que les dictatures cherchent à entretenir envers leurs dirigeants. Si la monarchie n’est pas un régime parfait (c’est un régime humain
), elle offre tout de même (et la Jordanie en est un bon exemple) des possibilités et des garanties qui ne sont pas négligeables dans un contexte difficile.
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