La junte au pouvoir en Birmanie a commencé à réprimer les manifestations de bonzes et de civils malgré les menaces des pays occidentaux d’appliquer des sanctions financières et économiques en cas de fusillades des contestataires. De nombreux journalistes signalent que la Chine pourrait demander à son allié birman de ne pas être trop « rude » à la veille des Jeux Olympiques de Pékin de l’été 2008, cela pour ne pas gâcher la réussite de ceux-ci, très importante pour le régime communiste chinois dans la reconnaissance de sa puissance économique et politique.
Mais n’y a-t-il pas là une erreur de perspective ? Est-ce la Chine qui a besoin de l’Occident, ou l’inverse, c’est-à-dire l’Occident qui ne peut plus se passer de la Chine ? Un journaliste états-unien faisait remarquer il y a peu qu’il était, aux Etats-Unis, de plus en plus difficile de trouver des produits véritablement locaux, la plupart des textiles, des jouets ou des composants électroniques étant désormais fournis par le géant chinois, considéré comme « l’atelier du monde »...
En fait, la Chine est en position de force et elle ne me semble pas encline à céder aux pressions des pays occidentaux, en particulier au regard des enjeux géopolitiques de la région. Aussi, je ne pense pas (mais je peux me tromper, bien sûr) que la Chine fera un grand effort pour convaincre la junte birmane de ne pas céder à ses penchants violents. De plus, si les pays occidentaux se font trop pressants, il serait fort possible que cette même Chine les rappelle à l’ordre, en arguant du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », sans ingérence étrangère, et en menaçant les pays trop favorables à l’opposition birmane de rétorsions économiques : or, les multinationales du Nord prendront-elles le risque de voir leurs intérêts remis en cause en Chine, nouvel « Eldorado » des entreprises occidentales ? Personnellement, j’en doute, et il est facile de constater que le Tibet, occupé depuis un demi-siècle par les troupes maoïstes, ne trouve guère d’alliés parmi les hommes d’affaires ni même parmi les capitales européennes ; quand il arrive qu’un gouvernement (comme celui d’Angela Merkel la semaine dernière) reçoive le dalaï-lama, les industriels et les financiers (allemands dans ce cas précis) condamnent cette initiative comme « dangereuse pour les intérêts économiques » de leur pays...
Cette situation devrait pousser les Etats européens, et la France en particulier, à « penser une nouvelle stratégie » à l’égard des nouvelles puissances économiques et politiques et, sans doute, à éviter de croire que les déclarations d’intention suffisent à faire plier les « plus puissants » : « faire force » est la condition préalable à toute diplomatie active en Asie. Encore faut-il avoir l’ambition de cette politique et la mener à bien sans laisser l’Economique imposer ses règles et ses intérêts particuliers...