Quelques lignes dans la rubrique nécrologique du « Monde » m’ont appris le décès et les discrètes obsèques de Michel Denis, ce professeur d’histoire contemporaine que je n’hésite pas à ranger dans la catégorie de « mes maîtres », de ceux qui ont vraiment compté dans ma manière de penser l’histoire et, plus généralement, la politique. Pourtant, cet homme à la figure bonhomme et à la voix si particulière n’était pas « de mon camp », mais de celui d’une Gauche « traditionnelle » tout en étant à l’écoute des débats du moment. Mais il était d’une grande courtoisie et d’une intelligence qui intégrait aussi les qualités du cur.
Avant de l’avoir comme professeur, je me souviens l’avoir interpellé lors d’un débat sur la politique , débat qui avait lieu à l’université Rennes-2 et qui complétait une exposition d’affiches politiques dans laquelle, d’ailleurs, on pouvait aussi admirer quelques unes des nôtres (« Je suis royaliste, pourquoi pas vous ? » entre autres) : il avait fait une analyse des rapports entre politique et argent qui, lui disé-je alors, rappelait celle faite par Maurras dans « L’avenir de l’intelligence »
Il s’était récrié, avec un geste amusé, devant une telle affirmation : en fait, je ne savais pas alors qu’il était aussi un excellent connaisseur des idées monarchistes, ayant consacré sa thèse d’Etat aux « Royalistes de la Mayenne et le monde moderne, XIXe-XXe siècles », publié aux éditions Klincksieck en 1977, un ouvrage de 600 pages tout à fait passionnant et sur lequel je travaille actuellement pour un dossier sur « Les royalismes de l’Ouest » destiné à être publié dans « Lys Rouge ».
J’ai suivi ses cours en licence et en maîtrise, puis en préparation CAPES, avec toujours le même plaisir et intérêt : c’était un prof passionnant qui nous donnait envie d’aller voir les lieux qui servaient de décor aux événements qu’il nous racontait et expliquait, à Vienne ou à Moscou
Ayant pris l’habitude de répondre systématiquement (et, en général, justement
) aux questions qu’il nous posait mais aussi d’en poser à mon tour, voire de le contredire ou de présenter (courtoisement) un autre point de vue, il me laissait parler et me reprenait parfois, toujours avec un grand respect, même s’il trouvait que j’exagérais parfois
Ses cours me servent toujours et je les relis sans ennui, vingt ans après.
C’est tout naturellement sous la direction de Michel Denis que je fis mon mémoire de Maîtrise qui portait sur « L’Action Française, de Mai 68 à mai 71 : du renouveau à la « dissidence » », mémoire que je soutins dans son bureau au mois de juin 1989.
Dans les années 90, mon « exil » dans la région parisienne m’éloigna, par la force des choses de l’université rennaise, malgré mon inscription en DEA dont je n’achevai jamais la rédaction du mémoire, malheureusement : sans doute mon plus grand regret, ma plus grande « faute » intellectuelle (et professionnelle)
Sans doute l’ai-je ainsi bien déçu, alors qu’il avait accepté de faire partie du jury qui devait juger mon travail.
En ces jours où l’Histoire est de plus en plus la victime ou l’otage du « politiquement correct » ou, plutôt, de l’ « historiquement correct » dénoncé à juste titre par Jean Sévillia, il me semble que Michel Denis a donné, à rebours de l’ambiance actuelle, l’exemple d’une grande rigueur et honnêteté intellectuelles, et qu’il a su transmettre à ses étudiants, aux destins fort divers (n’est-ce pas, Eric, David, Sidonie
), la passion d’apprendre et d’enseigner, et qu’il l’a renforcé chez ceux qui l’avaient déjà.
Merci, monsieur Denis.
Bonjour monsieur je suis un de vos nouveaux élèves de 2nd Alaric (le barbare chevelu) dans la classe, entre autre de la baleine Huppert (cut), et d'autres. Je viens de tomber sur votre blog par hasard et je le trouve intéressant même si je ne partage pas tout à fait vos idées. Je vous vois en cours mercredi donc a mercredi. Bonne journée.
Mes salutations
Rédigé par : lallouet Alaric | 01 octobre 2007 à 16:58
Je me demande si ton titre de mémoire ne pourrait pas s'appliquer à d'autres périodes de l'AF (par exemple 1991-2000)...
Outre ton DEA inachevé, je constate que tu n' as pas non plus traité le sujet que je t'ai précédemment soumis (cf. note du 24 septembre). Panne d'inspiration?
Rédigé par : Yffic | 01 octobre 2007 à 21:59
Le contenu de votre mémoire sur l'AF de 1968 à 1971 a-t-il fait l'objet d'une publication sous la forme d'un article ou plus? C'est une période que je n'ai pas suivi car éloigné de France et aussi de l'AF suite aux évènements de mai 1968.
Rédigé par : Lepante | 02 octobre 2007 à 15:03
Bonjour, Jean Philippe.
J'ai lu avec plaisir ton hommage,rendu avec beaucoup de discernement, à Michel Denis. Je t'ai lu et reconnu, toujours fidèle à aux convictions que tu défendais lorsque nous étions à l'UHB !!!
Je garde également un souvenir exceptionnel de cet enseignant hors normes. J'ai eu le privilège de suivre son cours en licence (La France depuis 1945), (avec Sidonie et Eric entre autres !) et me souviens encore avec quel enthousiasme je m'y rendais, malgré l'heure tardive .
J'avais, par la suite, choisi de mener à bien mon mémoire de maîtrise, la même année que toi, sous sa direction.
J'espère que tu vas bien et te souhaite bon courage dans l'exercice des fonctions.. que nous occupons !
A bientôt.
Rédigé par : Viviane Denoual | 08 octobre 2007 à 12:10
Merci à Viviane de son commentaire : les "anciens" de l'UHB n'oublient pas Michel Denis... Et c'est tant mieux. D'ailleurs, comment l'oublier ?
Pour mon mémoire sur l'AF de mai 68 à mai 71, il existe une version papier que je peux photocopier à la demande. Mais j'espère aussi le publier (avec des annexes) le printemps prochain avec quelques corrections et compléments chez un petit éditeur.
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 08 octobre 2007 à 22:27