Il est des informations qui passent inaperçues et qui, pourtant, mériteraient une grande attention, ne serait-ce que parce qu’elles sont significatives ou révélatrices : ainsi, cette décision du Sénat des Etats-Unis qui, le mercredi 26 septembre, « a voté (...) en faveur d’une résolution non contraignante sur un plan de partition de l’Irak, présenté par ses défenseurs comme la seule solution pour mettre un terme aux violences », contre l’avis de l’administration Bush, comme le signale « La Croix » dans son édition du vendredi 28 septembre. Ainsi voit-on que la crainte de la France exprimée en 2003 de voir l’Irak se fractionner en trois pays différents, division qui risque de déstabiliser les équilibres géopolitiques de la région, était avérée : d’ailleurs, il suffisait de lire les notes des principaux groupes de réflexion néoconservateurs (les fameux « think tanks ») pour constater que c’était une de leurs idées maîtresses...
D’autre part, la guerre civile intercommunautaire qui ravage la Mésopotamie depuis la chute de Saddam Hussein, dictateur laïque et « nationaliste » c’est-à-dire unitariste, annonçait cette « conclusion » d’un Sénat des Etats-Unis belliciste en 2003 comme pouvait l’être le président Bush. D’ailleurs, depuis quelques semaines, l’armée états-unienne construit un mur de séparation entre chiites et sunnites au coeur même de la capitale Bagdad, une sorte de nouveau « mur de Berlin » contemporain dénoncé, sans succès, par le premier ministre et le président de la République d’Irak que l’état-major des « troupes d’occupation » à la bannière étoilée n’écoutent même plus... Cette arrogance des Etats-Unis est aussi l’une des causes de leur échec et de leur impopularité dans le pays.
En veut-on un autre exemple ? L’hebdomadaire « Marianne », dans son édition du 29 septembre, publie un article court mais révélateur : « Savez-vous que l’armée américaine en Irak (160 000 sodats) n’est que le deuxième membre de « la coalition » vantée par George Bush ? Non après les Britanniques (...), mais derrière les PMC, les « services militaires privés ». Au nombre de 180 000, les employés de ces entreprises, rouages essentiels de l’occupation, assurent l’approvisionnement et la protection des diplomates et civils américains. Leur rôle a été exposé au grand jour lorsque le gouvernement irakien a décidé d’expulser la société Blackwater, accusée d’avoir, à de multiples reprises, tué des civils irakiens lors de bavures. Du coup, l’ambassadeur américain et ses diplomates se sont retrouvés confinés dans la « zone verte » de Bagdad, faute d’escorte. C’est la rançon d’une guerre menée au rabais, où le patriotisme est remplacé par les billets verts qui servent à payer les mercenaires.
L’affaire Blackwater a encore montré que les Irakiens ne sont pas maîtres chez eux. En 2004, l’Américain Paul Bremer a promulgué une loi : aucun prestataire de services américain ne peut être traduit devant la justice. L’immunité des occupants est totale. »
En se lançant dans cette guerre absurde parce que mal préparée et ne tenant aucun compte des réalités politiques et géopolitiques de la région, en proclamant qu’il s’agissait de « répandre la démocratie », les Etats-Unis refont l’erreur de l’Athènes de Périclés, cette forme d’ « impérialisme démocratique » qui a valu à la cité grecque l’isolement et, pire, l’hostilité de ses propres alliés, voire le retournement et, en fin de compte, la guerre et le déclin... De plus, ils mettent dans l’embarras les pays européens qu’ils ont entraîné dans cette aventure et, surtout, ils ont déplacé la ligne de front, au risque de voir la Méditerranée devenir, comme le signalait Yves Lacoste il y a déjà deux ans à Bourg-la-Reine, la prochaine ligne de front : la France, alors, risque de se trouver en première ligne face à des extrémistes islamistes, sans doute plus sûrement sunnites (comme les troupes de Ben Laden) que chiites (comme l’Iran), au moment même où son effort militaire est déjà insuffisant pour assumer tous ses engagements internationaux.
« Armons, armons, armons » criait Maurras dans les années 30 en voyant monter les périls : cette incantation, malheureusement vaine dans une IIIe République persuadée de sa puissance (« Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts »...), redevient d’actualité. Mais elle risque d’être à nouveau vaine si l’Etat français persiste dans sa « politique de renoncement » et n’assume pas sa fonction politique et sa mission historique, celle dont les Capétiens ont tracé les grandes lignes au cours des siècles de leur règne et dont de Gaulle a cherché à reprendre le dessein...
Votre remarque sur la nouvelle ligne de front me rappelle une prononcée par un certain Jean Marie Le Pen ...
Rédigé par : Zoubi | 04 octobre 2007 à 17:08
Je trouve méritoire le fait de s'astreindre à une note quasi-quotidienne sur des sujets qui plus est variés... par contre, je trouve dommage qu'il y ait aussi peu de réponses de ta part, JP, aux questions/réactions suscitées par tes écrits. Ne vaudrait-il pas mieux une note tous les deux ou trois jours et, entre chacune d'elle, une participation plus assidue aux débats qui s'engagent...
Je plaide pour ma chapelle car j'ai mis deux commentaires récents qui sont restés sans suite...
Rédigé par : Yffic | 04 octobre 2007 à 20:48
Pour Zoubi : je ne suis pas au courant de la remarque faite par Le Pen, et j'ai déjà évoqué la phrase de Lacoste (géographe et fondateur de la revue de géopolitique "Hérodote") il y a presque 2 ans: il l'a prononcé lors d'une conférence à laquelle j'assistais à Bourg-la-reine et il l'a redit à Paris lors d'une autre conférence faite à la Société de géographie. Il est possible que cette formule ait été reprise par Le Pen mais je nepense pas qu'il s'agisse de l'inverse, Lacoste n'étant pas vraiment lepéniste. Je reviendrai sans doute sur cette formule plus tard car elle mérite une explication peut-être plus approfondie pour éviter tout malentendu.
Pour Yffic : je suis en fait un peu débordé par le travail et je fais mes notes sur mon ordi dès que j'ai un moment mais je ne suis branché sur la Toile que quelques minutes par jour, d'où mon retard dans les réponses aux commentaires que je lis néanmoins dès que je viens sur le blog. Mea culpa ! Je vais répondre aux deux commentaires avant une semaine... Merci de votre patience à tous, et en particulier à Yffic.
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 04 octobre 2007 à 22:04
Je suis d'accord avec Yffic, d'autant plus que mes tentatives d'animer les commentaires sont passées inaperçues ...
Bref bonne navigation sur la Toile, vous regardez sûrement des matchs de balle au pied en machant des pâtes à macher ... (Vous me manquez comme professeur, pas pour votre cours ma foi un peu trop orienté à mon goût, mais pour votre caractère ! )
Rédigé par : Zoubi | 04 octobre 2007 à 22:29
"En 2004, lAméricain Paul Bremer a promulgué une loi : aucun prestataire de services américain ne peut être traduit devant la justice. Limmunité des occupants est totale. "
ou comment legaliser le crime de guerre....
j'aime tjrs vos notes ...sauf vos conclusions qui me laissent trés dubitatif....
Rédigé par : citoyen pierre | 05 octobre 2007 à 01:49
« Armons, armons, armons »
... sauf qu'aujourd'hui nous en sommes bien incapables faute de moyens budgétaires.
Le trapéziste centriste qui nous sert de ministre de la Défense se retrouve agent de guichet des Restrictions, à vendre les annulations exigées par la Faillite à ses usagers militaires.
Rédigé par : Catoneo | 05 octobre 2007 à 16:23
Monsieur, vous me semblez faire preuve d'une grande réflexion. Votre franchise et votre parti-pris à la défense de la monarchie sont intéressants ! Accepteriez-vous de venir en débattre sur le forum suivant : www.citedes4.forumpro.fr.
Acceptez je vous prie de partager avec nous vos opinions.
Rédigé par : Alphée | 05 octobre 2007 à 17:33
Pourquoi vouloir absolument faire face, militairement, à la menace terroriste qui se répend sur le pourtour méditérranéen? Car ce type de conflit est tout de même d'un nouveau genre, il s'agit plus d'une lutte sur le champ de bataille telle que les envisagaient nos ancêtres au pouvoir... Peut-être qu'une politique d'indifférence face au revendications islamistes serait-elle envisageable? En effet, ces organisations jouent avant tout sur l'aspect émotionnel, un silence de la part des médias serait sûrement meilleure "arme" que le fusil. De plus, je doute, personnelement, que le developpement d'un second porte-avion ou de nouveau sous-marins nucélaires dissuadent réellement les terroristes d'agir... Vu l'état des finances de l'Etat (sic), la meilleure chose à faire serait de diminuer justement le budget militaire, relatif aux opérations de "dissuasion"...
Rédigé par : Matt D. | 06 octobre 2007 à 18:15