J’étais lundi en Bretagne et j’en ai profité pour aller me promener sur la plage de mon enfance, à Lancieux, petit village des Côtes d’Armor situé sur la Côte d’émeraude, en plein milieu de la tempête. J’étais seul, et l’ambiance était tout à fait magique, comme à chaque coup de vent : la mer moutonnait et les roches semblaient mener un combat inégal avec l’écume blanche des vagues qui se brisaient sur elles en mille éclats cristallins. En montant sur les rochers, j’ai eu la chance de découvrir un petit groupe d’oiseaux d’ordinaire plus farouches et discrets, des « pétrels de tempête », qui semblaient se moquer de moi, drôle d’humain emmitouflé dans ma parka brune, déséquilibré par la violence du grand souffle venu de la mer… Ils m’ont laissé approcher comme pour me démontrer qu’ils savaient que, d’un coup d’ailes, ils seraient déjà loin quand, moi, je trébucherai encore sur les pierres ou glisserai sur les algues.
Nous sommes restés, eux et moi, à quelques mètres de distance durant près d’une dizaine de minutes, tandis que des cormorans venaient, l’un après l’autre, se joindre à notre petit groupe. Ils ont dû bien rigoler lorsqu’ils m’ont vu obligé de mettre les pieds dans l’eau pour regagner la plage : j’avais, dans mon dialogue muet avec les oiseaux, négligé la marée montante et je m’étais retrouvé encerclé sur « l’islet » par la mer.
Je suis reparti le cœur léger vers Dinard (correction de copies oblige…), et heureux que la nature, malgré les agressions permanentes de nos sociétés dévoreuses d’espaces et grandes prédatrices devant l’éternel, reste, malgré tout, riche et belle pour qui sait la regarder et la respecter. Une formule, apprise il y a plus de vingt-cinq ans dans un cercle d’études d’Action Française, me revient en mémoire : « on ne commande à la nature qu’en lui obéissant ». Nos sociétés, perdues dans un individualisme qui confine à l’égoïsme, semblent avoir oublié cette règle simple et, pourtant, vitale. Ainsi, un article publié mercredi 12 décembre par « Le Parisien » évoquait la dramatique réduction de la biodiversité et donnait la parole au sénateur socialiste Claude Saunier, co-auteur d’un rapport sur ce triste et dangereux processus : « Aujourd’hui, plus de 16.000 espèces, animales et végétales, sont menacées d’extinction. Le rythme de disparition des espèces a été dix à cent fois plus important que les rythmes naturels d’extinction au cours des deux cents dernières années. En 2050, il pourrait être de 100 à 1.000 fois supérieur au rythme naturel. (…) En trente ans, la Beauce a perdu plus de 30 % des composés organiques de son sol. Chaque jour en France, 165 hectares de milieux naturels sont détruits pour faire des constructions. 7 % des espèces marines ont disparu depuis 1950. 60 % des coraux sont affectés par l’activité humaine et 20 % ont disparu en trente ans. La déforestation des forêts tropicales humides se poursuit à un rythme de 13 millions d’hectares dont 6 millions d’hectares de forêts primaires alors que ce milieu héberge la moitié de la flore mondiale.
Est-ce si grave pour l’homme ?
Evidemment. Prenez l’exemple du poisson. Le monde puise 90 millions de tonnes de poissons par an alors que la ressource s’épuise. En atlantique Nord, 18 % des stocks sont déjà épuisés. Au rythme actuel, le thon rouge disparaîtra bientôt de la Méditerranée. Si on ne fait rien d’ici à 2050, on privera l’humanité de 20 % des protéines animales. C’est irresponsable.
Mais que nous apporte la biodiversité ?
L’effondrement des colonies d’abeilles dans le monde est inquiétante car près de 20.000 espèces apparentées aux abeilles contribuent à la survie et à l’évolution de plus de 80 % des espèces de fleurs. Plus de la moitié des molécules de nos médicaments proviennent de la nature (…). »
Il y a effectivement urgence à réagir, et, puisque les grands intérêts économiques ne peuvent, en société libérale et consumériste, se discipliner, il revient au Politique d’intervenir, par le biais de l’Etat, pour empêcher le pire et rappeler la formule d’un respect nécessaire des ressources que la nature nous confie, que nous devons transmettre aux générations qui viendront après nous : c’est un message que je répète fréquemment, y compris sur ce blog (la semaine dernière encore…). Cette répétition peut agacer mais elle montre, malgré les alarmes qui se font entendre de toute part, la grande difficulté qu’il y a à faire entendre raison aux industriels de l’agroalimentaire et à nos sociétés de consommation-consumation.
Cela étant, je ne cède pas au désespoir car cela serait, comme en politique, la « sottise absolue » selon l’heureuse formule de Maurras : mais il faut sensibiliser au plus vite nos contemporains sur ces sujets et militer pour ce nécessaire investissement du Politique dans la lutte pour la préservation et la transmission de ce patrimoine qui ne nous appartient pas en propre puisqu’il appartient à l’humanité toute entière, par delà les siècles et les générations qui se succèdent depuis que l’homme existe…
Et ces pétrels aperçus l’autre jour sont aussi les passagers de cette immense Arche de Noé que la Terre ne doit pas cesser d’être au milieu de l’univers et des temps…
Bonjour,
pensez-vous qu'il soit aussi nécessaire de préserver la "biodiversité humaine" dont parlent certains?
Rédigé par : Kelt | 14 décembre 2007 à 15:53
Bien sur, il me semble aussi important de préserver cette biodiversité-là. C'est un combat éminemment politique mais aussi culturel. Attention néanmoins à ne pas dériver dans une sorte de "muséification" des cultures qui seraient, en fait, leur mort (par étouffement...) à terme...
Rédigé par : Jean-Philippe Chauvin | 14 décembre 2007 à 22:39
Effectivement, vous radotez pas mal…Sur votre blog, mais en cours aussi…Mais c’est utile, alors pourquoi pas ! Certain disent qu’il est déjà trop tard pour « sauver » notre planète, que malgré les efforts que nous pourrions faire, les hommes sont allés trop loin. Est-il vraiment trop tard, Monsieur ?
Victor Hugo disait « C'est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n'écoute pas. ».Inutile de rappeler les dates de V .H. pour se demander si les hommes ont un jour eu conscience de la fragilité de la Terre ou si cette dernière n’a été que le souci des penseurs aujourd’hui encore ? Et la question environnementale est-elle enfin arrivée, profondément ancrée dans chacun ? Ou n’est-elle qu’un joli sujet relancé par Nicolas pour les politiciens ? Un effet de mode (de plus en plus de vêtements, de chaussures sortent en magasin, affichant fièrement leur label vert tout comme les acheteurs porteront de haut leur T-shirt à panda) ? Une mode qui passera ? Pas si facile cette fois. Impossible d’ignorer les conséquences climatiques et autres qui seront de plus en plus importantes : « ça va se voir !»comme dirait l’autre !
Vous, vous partez en Bretagne constater la beauté des choses (presque poétique l’article !), moi je reste ici, à déplorer passivement l’attitude de certaines personnes, de ces têtes à claques qui de réflexion paraissent dépourvues. (Mais bon, avec ces têtes y'a souvent un corps bien plus grand et balaise que le mien…alors moi je m’y frotte pas !...Même si j’indiquerais volontiers la poubelle à certain !)
Même si tout ce que les Français pourraient faire (pour que la fleur ne soit pas écrasée par le tout-terrain) parait minime, être un exemple c’est déjà bien ! C’est d’ailleurs ce que Nicolas (Sarkozy cette fois) a évoqué dans son discours à l’occasion de la restitution des conclusions du Grenelle de l’environnement. « Comment devenir un exemple, si on n'est pas capable de s'appliquer à soi les règles qu'on voudrait voir retenues par les autres ? » a-t-il dit alors. Oui, COMMENT?
Car c’est bien la notre problème. Moi j’en suis toujours à 2,7 planètes pour mon empreinte éco (et même plus si les questions n’avaient pas été si peu nombreuses) et ça me parait difficile de travailler le soir à la lumière de la Lune ou d’aller en cours en parapente (quoique…) ou sur une oie, façon Nils Holgersson. Alors je crois que c’est vraiment à plus haut que nous de bouger, pour nous aider ! Aux gouvernements et à nos chers créateurs de besoin de changer la tendance.
Et le porteFEUILLE pourra t-il se faire oublié un peu ?
On fait des choses à la pointe de la technologie et on roule encore en voiture ? Va falloir inventer quelque chose de mieux maintenant. Et sans pétrole. Possible ?
Enfin bref, l’écologie, rien qu’en 2nde 10 on y pense un peu moins, depuis qu’on a fini ce chapitre là et qu’on a compris qu’on aurait de toute façon cours le samedi (oui, l’écologie ça les « arrangeaient pas » les profs !)…
Trop peu sont encore ceux qui se souçi de l'environnement.
Bonne fin de semaine!
Rédigé par : Pauline Saunier | 15 décembre 2007 à 23:12
Merci pour ce long commentaire avec lequel je suis bien d'accord... J'y consacrerai, je pense, une prochaine note sur ce blog car le sujet est inépuisable.
Rédigé par : Jean-Philippe Chauvin | 16 décembre 2007 à 22:52