L’assassinat de Benazir Bhutto, 780ème victime du terrorisme de l’année 2007 au Pakistan, a replongé cette ancienne colonie britannique dans une période d’instabilité dangereuse pour l’avenir du pays mais aussi de toute la région qui n’en avait pourtant pas vraiment besoin… Bien sûr, la personnalité ambiguë de l’ancienne première ministre du Pakistan et les échecs de ses passages au gouvernement pouvaient gêner la visibilité de ses propres projets politiques mais elle était devenue le symbole d’une modernité « adaptable » à cette grande puissance musulmane et, en cela, l’espoir pour les Occidentaux d’une « remise en ordre démocratique », à l’image du grand voisin indien. Les Etats-Unis, en particulier, espéraient beaucoup en elle, empêtrés qu’ils sont, comme les autres puissances occidentales, en Afghanistan, faute d’avoir mis dès le début les moyens militaires et humains pour éradiquer les talibans : son accession au pouvoir aurait permis de mettre fin à l’hypothèque islamiste et de reprendre le contrôle des zones pachtounes tenues par les intégristes musulmans.
Et maintenant ? Les élections du 8 janvier risquent de ne pas dénouer la situation et l’actuel président pakistanais Pervez Moucharraf a de fortes chances d’apparaître comme le seul élément de stabilité dans un pays de plus en plus déchiré par les querelles internes, politiques comme religieuses, voire tribales. Le souci est évidemment que le Pakistan dispose de la bombe atomique (100 à 200 têtes nucléaires) et qu’il serait stratégiquement catastrophique que cette puissance de feu tombe entre les mains des talibans ou de leurs alliés. Non pas qu’ils puissent utiliser cette arme de façon militaire (cela reste peu probable pour diverses raisons) mais ils peuvent en faire un moyen de pression sur la scène diplomatique mondiale et déstabiliser toute la région, en particulier pour gêner le développement de « l’ennemi héréditaire » depuis l’indépendance de la fin des années 40, l’Inde, elle-même puissance atomique… Le Cachemire, motif de tension récurrent entre les deux frères ennemis, pourrait être à nouveau un « point de crispation » car, malgré les ouvertures sur ce sujet entre eux, tout cela reste bien fragile et mal assuré : il suffirait de peu de choses pour remettre le feu aux poudres et provoquer de nouveaux affrontements entre les deux pays limitrophes…
Et puis, il y a surtout l’Afghanistan que les talibans, déjà en position de force depuis quelques mois, pourraient chercher à récupérer en se servant de cette menace nucléaire à laquelle les Occidentaux ne savent comment réagir, prisonniers de schémas stratégiques anciens et plutôt conventionnels. La France, présente militairement et culturellement en Afghanistan, se retrouverait ainsi, comme les autres pays engagés dans la « sécurisation » du pays, en première ligne : à ce moment-là, il faudrait faire preuve de sang-froid et de courage, au risque d’affronter des Opinions publiques plus intéressées par la préservation de leur niveau de vie que par le maintien des libertés et des équilibres géopolitiques dans un pays lointain et si « étrange »… Il n’est pas certain que notre République soit à même de relever le défi, à l’heure où elle se réfugie dans une construction européenne, position de repli sur les seules sphères de l’économique et de l’humanitaire, et où elle « désarme » dans l’indifférence générale, baissant une garde qui, pourtant, reste bien nécessaire en ces temps d’incertitude et de périls nouveaux…
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