La Russie est de retour, pourrait-on dire au regard des dernières années, celles du règne de Vladimir Poutine : après le brutal « dégel » du communisme qui avait entraîné, faute d’un Etat capable de s’imposer aux forces centrifuges, la quasi-disparition de l’Etat lui-même (le rêve de Marx, la société sans Etat…) et la prise du pouvoir par les puissances de l’Argent, les fameux oligarques qui se sont enrichis en pillant les ressources du pays et de ses habitants ; après la perte de 5 millions de kilomètres carrés de territoire depuis 1991 ; après l’effondrement de son armée dans un état de déshérence et, même, de pauvreté dramatiques ; après la disette des années 90 et la chute démographique (solde naturel annuel négatif d’environ 700.000 personnes…) ; après la perte de toute influence sur la scène internationale et, en particulier, sur les pays de l’Europe centrale et orientale ; après… mais dois-je vraiment poursuivre cette longue liste de la « chute d’une nation » ?
Après les années Eltsine qui, pourtant, avait eu le mérite d’achever l’agonie du communisme, Vladimir Poutine, inconnu la veille (ou presque), est élu président de la République en 2000 et, rapidement, va incarner une « nouvelle Russie » qui n’est, en définitive, que « l’éternelle Russie », celle que de Gaulle discernait même sous le carcan stalinien ou sous le masque kroutchevien.
Aujourd’hui, la Russie est revenue sur le devant de la scène et son chef de l’Etat, autoritaire sans risquer la dictature (il n’en a pas besoin et est trop fin politique pour se lancer dans l’aventure), jouit d’une popularité qui n’est pas feinte. Cela n’empêche pas le mécontentement d’une partie des « élites », en particulier celles qui ont profité des « années Eltsine » pour bâtir des fortunes honteuses et clinquantes, et que Poutine n’a pas hésité à frapper, à arrêter, à exiler : les « Fouquet » ont trouvé leur maître, leur « Louis XIV »… Il est d’ailleurs révélateur que certains milliardaires ainsi bannis (ou, prudents, « réfugiés » en Occident) parlent de « coup d’Etat » comme le seul moyen de se débarrasser de Poutine, et non pas d’élections libres, signe qu’ils sont bien obligés de reconnaître la légitimité électorale de l’actuel locataire du Kremlin.
En Occident, on entend plus cette opposition dans les médias que la voix de cette Russie qui se veut à nouveau maîtresse de son destin : est-ce pour se faire pardonner le silence ou, pire, le soutien de certains intellectuels germanopratins aux anciens maîtres des années du communisme, lorsque la formule de « dictature du prolétariat » recouvrait surtout la réalité d’une « dictature sur le prolétariat » ? De Gaulle avait l’intelligence de ne pas confondre, d’ailleurs, le « moment communiste » et la « Russie » (il n’a d’ailleurs jamais parlé de « l’Union soviétique »), et il ne confondait pas les genres : en cela, il était « capétien ».
Aujourd’hui, en tout cas, c’est le déchaînement contre Poutine quand les mêmes sont fort discrets avec les maîtres de la Chine qui, pourtant, ne me semblent guère soucieux de « libéraliser » politiquement leur régime au moment où tous les pays du monde s’apprêtent, sans regrets ni scrupules d’aucun genre, à envoyer les athlètes aux Jeux Olympiques de Pékin à l’été prochain… Il est aussi fort significatif que les Etats-Unis, qui s’inquiètent de la résurgence d’une Russie qu’ils pensaient bien voir abattue depuis 1991, « s’inquiètent » de la situation de la démocratie à Moscou. En fait, ils se méfient surtout de cette diplomatie poutinienne active qui « raniment » un front géopolitique qui court du pôle Nord à la Méditerranée et au Pacifique et heurte leur propre stratégie dans ces régions qu’ils convoitent aussi, et pas seulement pour le contrôle des ressources énergétiques…
(à suivre)
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