Mercredi matin, quelques collègues et moi-même avons emmené nos élèves de Première voir le film intitulé « Les fragments d’Antonin », film qui évoque les traumatisés de la Grande guerre à travers l’histoire d’un soldat affecté aux transmissions colombophiles et choqué au point de ne plus pouvoir avoir de vie sociale viable. Les images d’archives qui ouvrent le film sont fort impressionnantes, montrant des traumatisés incapables de réprimer des tremblements convulsifs permanents ou de se tenir droit, tordus comme de l’intérieur : elles ne sont pas sans rappeler les pathologies évoquées aujourd’hui pour les « anciens » d’Afghanistan ou d’Irak qui ont tant de mal à reprendre une vie normale de retour des zones de conflits. D’ailleurs, les sociétés ont encore du mal à prendre en compte ou, tout simplement, à accepter ces « blessures invisibles » qui détruisent les gens au fond d’eux-mêmes.
Ce film montre aussi toutes les autres horreurs de la guerre et, en fait, de toutes les guerres modernes, industrielles et techniciennes, où les hommes ne sont plus que les servants des Machines, ce qu’avait bien vu et dénoncé Bernanos, lui-même combattant de la Première guerre. Relire « La France contre les robots » est, à cet égard, éclairant et montre comment la guerre est à l’image de la société industrielle et de consommation, profondément déshumanisante et barbare : les causes défendues, aussi nobles et légitimes soient-elles, n’enlèvent rien à l’horreur.
Lorsque les traités de paix des années 1919-1920 sont signés par les anciens belligérants, on aurait pu croire que la tragédie qui avait ensanglantée l’Europe ne se reproduirait plus jamais : il n’en fut rien, comme la suite allait le montrer pour le pire. L’horreur sera même plus terrible encore puisqu’elle aboutira à l’extermination d’une population, femmes et enfants compris, pourchassée pour des raisons raciales…
Sommes-nous à l’abri de nouvelles horreurs de guerre ? Certes, depuis 1945, mis à part les guerres coloniales et les interventions circonstancielles et souvent humanitaires des armées des pays d’Europe, notre continent est à l’abri de tels conflits et de leurs conséquences. Mais le terrorisme islamiste revendiqué par Al-Qaida n’est-elle pas une guerre d’un autre type qui menace nos sociétés, au risque d’en briser la tranquillité et la sécurité ? Pour l’heure, ce n’est qu’une menace plutôt virtuelle malgré les attentats de Madrid (2004) et Londres (2005), mais il n’est pas impossible qu’une campagne d’attentats puisse ébranler la confiance des pays européens et de leurs citoyens. D’autre part, l’horizon géopolitique est-il totalement « dégagé » au point de baisser la garde ? Personnellement, je ne le pense pas. Aussi, pour éviter d’autres barbaries sur notre continent, encore faut-il conserver et renforcer les moyens d’une défense qui ne doit pas être que militaire mais aussi politique et psychologique.
La paix contemporaine est, aussi choquant que cela puisse être, un héritage paradoxal des barbaries d’antan : ne l’oublions pas et ne tentons pas le diable. « Si vis pacem, para bellum »…
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