Jeudi 22 mai, l’Alliance Royale m’invite à inaugurer son « café politique » versaillais par une petite conférence sur le sujet de mon mémoire de maîtrise (vieux de 20 ans, déjà), ou du moins une partie de celui-ci, les royalistes en Mai 68 : en fait, il s’agit d’ailleurs d’évoquer le seul mouvement monarchiste militant de l’époque, l’Action Française (rebaptisée alors « Restauration Nationale » depuis 1955), et sa réaction face à l’événement, autant dans la rue que sur le terrain des idées.
Lorsque Mai 68 éclate, les monarchistes d’AF ont, depuis quelques années, retrouvé quelques couleurs au Quartier latin et ailleurs, même si la défaite de « l’Algérie française » dans laquelle le mouvement maurrassien s’est énormément investi n’a pas encore été totalement digérée. Les étudiants d’AF disposent d’un mensuel, « AF-Université », qui répercutent leurs campagnes tandis qu’ « Aspects de la France », l’hebdomadaire d’Action Française, ronronne un peu, malgré les analyses originales et novatrices de Pierre Debray.
A Nanterre, Patrice Sicard, militant bien connu du mouvement monarchiste, suit la montée en puissance de l’agitation et d’un certain Cohn-Bendit qui, d’ailleurs, s’en prend nommément à lui en l’accusant (à tort) d’être complice des bombardements américains au Nord-Vietnam et d’être le responsable des étudiants d’AF…
Lorsque le Quartier latin s’embrase, les royalistes ne restent pas inactifs, même si leurs marges de manœuvre sont plutôt étroites, coincés entre le pouvoir gaulliste et les contestataires, anarchistes ou gauchistes de toutes tendances… A partir du 13 mai, ils organisent des manifestations quotidiennes « contre la subversion » sur les Champs Elysées et dans le quartier de l’Opéra, et ce jusqu’au 20 mai. Durant ces manifestations, préparées dans les locaux d’Aspects de la France (rue Croix-des-petits-champs, à Paris 1er), les jeunes monarchistes, s’ils brandissent des calicots surtout anticommunistes, développent des arguments un peu différents de ceux de leurs aînés, arguments plus « avancés » et très critiques à l’égard de la Société de consommation, déjà dénoncée par leur « maître spirituel » Pierre Debray. Les affrontements avec le groupe d’extrême-droite et européiste « Occident », qui se joint au bout de quelques jours aux manifestations « contre-révolutionnaires » menées par l’AF, sont assez violents et montrent clairement la dichotomie entre les stratégies et les idées des deux mouvements. Mais les deux mégaphones de ces manifestations restent la propriété de l’AF, tenus solidement par Yvan Aumont et un autre jeune militant, parfois Gérard Leclerc qui harangue ses camarades sur le pavé parisien en vantant le « socialisme de Maurras », socialisme pris dans son sens véritable et non pas idéologique. Contre Marx, Maurras !
Après cette semaine de manifestations, passées malheureusement inaperçues au regard des événements du Quartier latin, les jeunes royalistes retournent dans leurs facultés et lycées, et présentent les idées monarchistes et maurrassiennes à leurs camarades de classe ou d’amphi, malgré les pressions et les provocations gauchistes ou maoïstes. Ainsi, au lycée Berlioz où c’est Patrice Bertin (futur directeur de l’information à « France inter »…) qui organise la « riposte d’AF » en plaçant 5 militants royalistes dans un comité de grève qui compte 11 membres ; ainsi, à la fac de Droit d’Assas où Patrice Sicard tient avec ses amis un stand qui, comme à Sciences-Po, présente un grand portrait de Maurras face à ceux de Lénine et Mao ; ainsi, à la Sorbonne, où Pierre Debray présente lui aussi dans un amphi surchauffé les analyses d’AF ; etc.
Ainsi, lorsque le mois de Mai s’achèvera, l’AF aura su tirer parti et profit de son expérience et de sa présence en des terrains difficiles, et son université d’été, le Camp Maxime Real del Sarte, annoncera environ 180 participants, un record jamais égalé depuis.
Voici quelques éléments que je développerai ce jeudi lors de ma petite conférence dans ce café qui me sert de véritable écritoire (y compris pour la plupart des notes de ce blogue…), le « Franco-belge », désormais bien connu de mes élèves qui viennent parfois s’y enquérir de l’avancement de mes corrections de (leurs) copies d’Histoire-géo…
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