Les poubelles sont pleines de gens irremplaçables, pourrait-on dire au regard de ce que l’on y trouve parfois : ainsi, ce soir, en ouvrant le local aux susdites poubelles de mon immeuble, j’ai eu la surprise d’y découvrir une bonne quinzaine de livres et de manuels de littérature publiés dans les années 60-70, dans des collections du type « Lagarde et Michard ». Ainsi, Ronsard côtoyait Molière et Villon au milieu des cartons de chaussures et des briques vides de lait, et Frison-Roche terminait sa cordée dans les odeurs de salade pourrie et au milieu des factures déchirées, tandis que la littérature médiévale surnageait au milieu d’un océan de publicité d’électroménager…
Spectacle navrant, révélateur d’une société et d’un état d’esprit qui consomme sans compter et élimine sans penser. Peut-il en être autrement dans ce monde et cette République dont l’élu quinquennal moque la pauvre princesse de Clèves au motif qu’elle serait incompréhensible aux jeunes générations ? Dans une société du spectacle qui communique à défaut de transmettre ? Dans une « démocratie économique » qui ne pense plus qu’en terme de nombre et d’efficacité, et pour laquelle la culture littéraire « ne sert à rien » ?
Je suis un sentimental : j’ai récupéré tous ces livres promis à une fin indigne et je les ai ramenés chez moi, leur trouvant une petite place sur les nombreuses piles qui encombrent déjà mon studio. Demain, j’en emmènerai quelques uns au lycée, au CDI ou au « bar des professeurs » : une nouvelle vie pour ces ouvrages bafoués qu’il me plaît d’avoir « sauvés »…
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