Je passe quelques jours à la campagne, et cela est fort reposant après plusieurs semaines de cours et, surtout, de corrections de copies. C'est aussi une autre manière d'aborder et de voir le monde, d'en constater parfois les « débordements » et de retrouver quelques accents ou couleurs de temps plus anciens, immémoriaux peut-être, même si je me méfie des nostalgies qui figent le temps au risque de ne plus saisir les réalités présentes.
Dans ma promenade matinale, autour de Saint-Léger-en-Yvelines, ce village où le comte de Paris rencontrait secrètement, sous la Quatrième République, le général de Gaulle, plusieurs signes attestent de la crise financière en cours : des agences immobilières sont fermées et leurs locaux à vendre ou à louer, ce qui est bien le comble pour ce type d'agence ; des panneaux « A vendre » fleurissent un peu partout et certains, déjà, se couvrent de mousse, devant des propriétés pourtant peu anciennes ; les « lotos » de village semblent se multiplier, plus nombreux désormais que les Marchés de Noël...
Des amis, rencontrés hier, me confiaient que plus rien ne se vendait dans la région, et que certains craignaient à plus ou moins long terme, désormais, une chute des prix immobiliers, chute tout aussi irrationnelle que celle actuelle des prix des produits pétroliers. Déjà, les chantiers de construction se ralentissent, ce qui, d'ailleurs, n'est pas forcément négatif au regard des ravages du mitage dans nos campagnes : cela va peut-être inciter à entretenir et à rénover ce qui peut (et parfois doit) l'être, et enrayer la folle consommation de terres que provoquait la poussée rurbaine depuis plus de vingt ans.
Cette crise immobilière qui, si l'on regarde bien ce qui s'est passé aux Etats-Unis à l'été 2007, est aussi en grande partie la cause de la crise financière, économique et sociale qui affecte en priorité les pays occidentaux, va sans doute pousser à repenser le rapport à la propriété immobilière de nos sociétés : ce rapport, qui n'était plus que financier dans de nombreux cas et n'avait plus de lien avec un enracinement territorial et mémoriel (familial, par exemple), participait, sans que cela soit perçu ainsi la plupart du temps, à cette forme de « néo-nomadisme » contemporain qui est le corollaire d'une « déterritorialisation des communautés et des familles ». Je ne dis pas que ce processus était toujours négatif mais simplement qu'il a parfois déstructuré des sociétés au point de n'en plus voir les solidarités traditionnelles qui, en temps de crise, seraient tout de même bien utiles pour amortir les « chocs » économiques comme sociaux.
En tout cas, les campagnes franciliennes, si peu communautaires par rapport à celles des provinces moins proches de Paris-capitale, vont sans doute connaître une atténuation progressive des effets « durs » de la rurbanisation, par l'intérêt de plus en plus évident pour les rurbains récents de devenir, véritablement et originalement, des « néo-ruraux », c'est-à-dire d'adapter leur mode de vie encore trop urbain aux réalités particulières de « la campagne ». Il n'est pas dit que cette révolution des mentalités se fasse en un jour, loin de là, mais il semble tout de même que ce processus soit déjà engagé et qu'il ait de fortes chances de se pérenniser, la crise aidant et forçant à des révisions de forme comme de fond de la part de nos contemporains...
Je me souviens vaguement d'une citation du « président Mao », dictateur chinois très en vogue après Mai 68 parmi ceux-là mêmes qui sont aujourd'hui les admirateurs du Dalaï-lama, qui affirmait que l'avenir est aux villages : il n'est pas impossible que, tout compte fait et alors que le processus de métropolisation n'est pas achevé au Nord ni celui de l'urbanisation au Sud, cette prédiction s'accomplisse dans les décennies prochaines, au moins partiellement...
C'est d'ailleurs une conviction que j'avais déjà évoquée lors de ma campagne électorale royaliste à Vitré en 1995, comme me le rappelle ma récente relecture des textes que j'avais alors publiés et distribués dans les rues de la petite ville d'Ille-et-Vilaine... Il est tout aussi vrai que j'y évoquais les possibilités qu'offrait le recours au télétravail et que, là encore la crise aidant, certains redécouvrent, comme le prouve un excellent dossier sur ce sujet publié il y a quelques semaines par le quotidien « La Croix ». Comme quoi, tout arrive à qui sait prendre le temps...
Post-scriptum : merci à Erwan Th. qui m'a donné envie l'autre jour, après réception de son amical courrier (auquel je vais répondre, je te rassure !), de rouvrir la boîte des archives de cette campagne législative que nous avons menée ensemble : la preuve ci-dessus...
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