Le ministre de l’Education Nationale Xavier Darcos a annoncé hier lundi le report de sa réforme sur l’organisation du lycée, quelques jours seulement après avoir déclaré qu’il ne serait pas le ministre de « l’hésitation nationale »… Faut-il en conclure que cette réforme est enterrée, comme croient le savoir de nombreux journalistes, ou qu’elle n’est que reportée, comme le prétendent le ministre et son président ?
En fait, le plus important n’est pas là : l’Ecole en France souffre d’une crise endémique et les réformes purement scolaires n’y changeront, en définitive, pas grand-chose, se contentant trop souvent d’accompagner des tendances de la société au lieu, parfois, de s’en démarquer et, donc, de les précéder, voire de les susciter. Ce n’était peut-être pas vrai au XIXe siècle (il y a débat sur ce thème…), mais c’est devenu une réalité très criante aujourd’hui : il suffit de constater, par exemple, combien les programmes d’histoire-géo (je parle d’abord de ce que je connais pour le constater chaque année) sont dépendants, avec toujours un large temps de retard, des idéologies et des « actualités » dominantes, à tort ou à raison, d’ailleurs. C’est quelque chose qu’il m’arrive de faire constater à mes élèves de classes de Seconde et de Première, en leur signalant la frilosité des programmes et des thèmes retenus : ainsi, en Seconde, je souligne combien des thèmes d’importance en géographie, comme « les énergies et leurs enjeux » par exemple, sont toujours absents des programmes et qu’ils n’apparaîtront que dans quelques années, quand ce thème se sera déjà imposé dans les enjeux économiques, politiques et géopolitiques depuis fort longtemps. Idem pour « la géopolitique », dont le terme même n’apparaît pas dans les manuels (ou alors de manière fort discrète…) alors que le chapitre 1 du programme de géo évoque les Etats et les frontières…
Ce qui est vrai pour les programmes l’est aussi souvent pour les méthodes et les idéologies elles-mêmes : l’Ecole était encore marxisante quand le mur de Berlin finissait de s’écrouler, elle est aujourd’hui européiste quand le sentiment européen est plus idéologique que réel et qu’il se banalise en même temps qu’il s’étiole ; elle est encore très marquée par les pédagogismes de tout genre quand ces méthodes d’apprentissage scolaire sont désormais reconnues plus déstructurantes qu’efficaces, etc.
L’Ecole ne doit pas être le reflet des modes, quelles qu’elles soient, mais elle doit former les esprits et les êtres à affronter les défis d’un monde changeant, non pas en singeant l’actualité mais en s’appuyant sur des principes simples, des connaissances qui en appellent autant à la culture générale qu’aux nouveaux savoirs et savoirs faire, des méthodes qui privilégient l’humilité devant les réalités mais aussi l’esprit de conquête (qui n’est pas exactement l’esprit de compétition mais plutôt la volonté d’aller plus loin dans la connaissance et la réflexion) et la curiosité, etc. Cela me rappelle d’ailleurs un propos de Maurras qui expliquait que la liberté n’est pas à « l’origine » mais à « la fleur »… L’Ecole peut (doit ?) aider à cette floraison.
Au-delà des annonces sur l’organisation de la scolarité au lycée, la réforme Darcos était plus une réforme de comptable que d’Etat et, en ce sens, elle ne pouvait que manquer de souffle et d’ambition : elle avait d’ailleurs un côté « démago » qui déplaisait fortement aux syndicalistes enseignants « de droite » (je pense au SNALC, qui grognait fortement contre le libéralisme libertaire de cette réforme avortée, comme le prouvent ses circulaires).
Mais la vraie réforme qui pourra permettre d’aborder les autres dans de bonnes conditions, autant pour la mise en place que pour la réussite, c’est celle des institutions, celle qui les inscrira dans la durée et permettra l’indépendance de la magistrature suprême de l’Etat, cette « révolution politique » qui a pour symbole la fleur de lys…
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