Il est des jours où la colère est plus forte que la raison et, ce mercredi, il y a tant de raisons d’être en colère : d’abord le cynisme des dirigeants de Total qui, au pire moment, annoncent, après des bénéfices mirifiques (14 milliards cette année), la suppression de plusieurs centaines d’emplois en France ; ensuite, le retour complet de la France annoncée par le président Sarkozy dans l’Otan, au risque de paraître céder aux sirènes d’un atlantisme suranné à l’heure de la multipolarité…
Et pourtant, la sourde colère qui gronde dans le pays ne trouve pas vraiment à s’exprimer : les manifestations contre les licenciements abusifs, quand elles ont lieu, restent bien sages et prudemment encadrées par des syndicats « responsables », c’est-à-dire le plus souvent timorés et trop soucieux de ne pas poser la question politique, celle qui pourrait fâcher… Quant aux opposants à l’intégration complète dans l’Otan, leur voix est quasiment inaudible, malgré les mises en garde des anciens ministres des affaires étrangères et premiers ministres du président Chirac, Villepin et Juppé : la grande presse, d’ailleurs, a été particulièrement absente du débat, à part quelques articles trop rares pour être vraiment significatifs. L’indépendance française méritait-elle ce simulacre de discussion ?
Et si les deux questions, sociale et nationale, étaient intimement liées l’une à l’autre ? Car, en définitive, les réponses sont d’abord politiques, et on ne pourra faire comme si elles ne l’étaient pas : l’Etat peut encore avoir son mot à dire, et c’est tout le combat des monarchistes, de ce « parti des politiques » issu de notre mémoire et tradition politiques, de rappeler qu’il n’y a pas de fatalité là où il y a un Etat digne de ce nom et une volonté affirmée de ne pas subir les oukases d’autrui ou des forces économiques. Cette leçon simple, la République l’a oubliée, mais pas nous, persuadés que nous sommes que « l’avenir dure longtemps », comme l’affirmait inlassablement le comte de Paris !
Vous qui annonciez il y a encore peu l'effondrement du capitalisme, en vous basant sur sur l'effondrement (relatif) des cours la bourse, vous devriez en principe être content que les entreprises du CAC fassent des bénéfices:)
Plus sérieusement, ce système dont, pour des raisons idéologiques, vous annonciez l'effondrement, ne s'effondrera pas encore cette fois.
Ne croyez vous pas que c'est une occasion rêvée pour vous remmetre en cause, même si c'est plus difficile que de remettre en cause le capitalisme, et surtout, de repenser la famille politique que vous défendez?
Rédigé par : XP | 12 mars 2009 à 15:38
Je n'ai jamais, à m'en souvenir, annoncé la fin du capitalisme (même si je peux la souhaiter pour diverses raisons...), ni même son effondrement définitif, mais l'effondrement d'une certaine conception (et acception, et même acceptation de celui-ci) et j'ai plutôt souligné que cette crise, pour révélatrice qu'elle soit, apparaissait aussi et surtout comme le transfert (ou l'amorce de celui-ci) de richesses et de pouvoirs des pays du Nord vers les pays émergents du Sud (plusieurs notes sur ce thème sur ce blogue, dont l'une qui s'appuyait sur un article paru dans "le monde" à l'automne, "la crise profitera à l'Asie").
J'ai aussi souligné comme la crise pouvait être l'occasion de repenser notre rapport à l'économie mais aussi notre mode de vie et le traitement social et environnemental contemporain de nos espaces et de nos sociétés.
J'ai toujours dit, par contre, que je pensais que ce système, même debout, n'était pas, à mes yeux, le plus juste ni le plus "nécessaire", et qu'il appartenait au politique de mieux le cadrer ou, du moins, d'en désarmer (par des régles mais aussi des attitudes, un "combat de civilisation" d'une certaine manière, et je m'appuie sur Bernanos, par exemple, pour le redire), d'en désarmer les aspects les plus belligènes, sur le plan social comme spirituel.
Comme toute crise, celle-ci est effectivement une occasion de repenser, non seulement la politique et le politique, mais aussi la civilisation : d'où ma relecture de Bernanos, Ellul, Bertrand de Jouvenel, Balandier, et quelques autres...
Cordialement.
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 12 mars 2009 à 18:50
Vous dites :"Quant aux opposants à l’intégration complète dans l’Otan, leur voix est quasiment inaudible...".
Si vous en êtes, vous touchez du doigt la totale carence de communication que vous subissez. Il ne faut pas mettre la charrue devant les boeufs. Avant de propager des idées, il faut construire l'outil médiatique.
Le mouvement d'Action française a été tiré par son journal et ses revues, et pas l'inverse.
Rédigé par : Catoneo | 13 mars 2009 à 15:22
Tout à fait d'accord... En somme, il y a du pain sur la planche, mais ce travail de construction d'un outil médiatique est une nécessité qu'il faut faire réalité...
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 13 mars 2009 à 18:25