La mésaventure survenue jeudi au texte gouvernemental controversé sur la répression du téléchargement illégal est fort révélatrice et pas exactement au profit des députés ni du gouvernement, c’est le moins que l’on puisse dire ! Ainsi, ce texte de loi, débattu avec tant de hargne sur tous les médias nationaux et parfois dénoncé comme attentatoire aux libertés des internautes, n’avait attiré qu’une petite quarantaine de parlementaires le jour de son vote : ce qui devait être une formalité s’est transformé en cauchemar pour le ministre de la Culture, Madame Albanel, et a provoqué le courroux présidentiel.
En effet, la démocratie reposant sur la loi du plus grand nombre, en particulier au moment des votes, semble bien avoir été respectée, au moins dans l’hémicycle à défaut d’être officiellement et électoralement confirmée : il est indéniable que, par un petit jeu de chat et de souris, ceux qui sont « parlementairement minoritaires » sont devenus « démocratiquement majoritaires » par l’apparition impromptue d’un petit groupe de députés socialistes surgis, à entendre les radios, de derrière un rideau rouge… De la tragédie ! On imagine quelques conspirateurs romains dissimulant leurs poignards avant l’arrivée de César ou les fidèles du roi Henri III guettant le duc de Guise, des masques et des grands chapeaux, des épées luisant dans la pénombre, des regards suspicieux, en somme du Shakespeare et du Racine tout à la fois…
En fait, les « comploteurs » de ce jeudi, plutôt des farceurs utilisant juste les subtilités du règlement du Palais-Bourbon, chevaliers de la rose rejoints par le gaulliste Dupont-Aignan, doivent bien rigoler de leur bon coup et de la colère élyséenne.
Mais il me paraît fort inquiétant que, sur 577 députés élus, il ne s’en trouve qu’une quarantaine pour se sentir concernés par le vote d’une loi si importante et pour s’être déplacés, en cette belle journée ensoleillée, et accomplir leur devoir législatif. Gageons que, la prochaine fois, les députés de la Majorité présidentielle seront présents en plus grand nombre pour éviter toute nouvelle mauvaise surprise !
En tout cas, le « pays légal » donne une image bien peu sérieuse de lui-même, ce qui ne peut que renforcer ce divorce de plus en plus menaçant entre les politiciens et les citoyens, agacés de constater que, lorsqu’ils se déplacent, eux, pour répondre à une question référendaire, leur avis majoritaire n’est pas vraiment pris en compte et qu’il est contourné par une entourloupe et par un vote de ces mêmes parlementaires, pourtant absents ce jeudi, déserteurs de leur propre rôle législatif.
Sans doute certains considèrent-ils, à l’instar de l’ancien ministre Alain Madelin que, les lois se faisant désormais beaucoup plus concrètement à la Commission de Bruxelles et au Parlement européen, la présence au Palais-Bourbon relève plus du symbole et du spectacle que de la réalité politique : il est vrai que nombre des textes votés à Paris ne sont que la traduction et la transcription de directives européennes, le Droit communautaire européen s’imposant désormais aux Droits des pays membres, plus souvent pour le pire que pour le meilleur !
Mais, tout en appartenant à une tradition politique méfiante à l’égard du parlementarisme, je ne méconnais pas l’importance et, même, la nécessité d’une représentation parlementaire et, au-delà, d’une action législative qui lui appartienne en propre, en particulier au niveau national, que je souhaite, dans le plus bref avenir, véritablement fédéral. En cela, je regrette que le débat parlementaire se résume parfois en un simple affrontement politicien et en quelques « coups » médiatiques, en un spectacle qui dévalorise la politique et en amoindrit la légitimité et la crédibilité.
Le combat monarchiste, qui n’est pas un combat « parlementariste », ne peut se satisfaire de ce triste spectacle d’un pays légal « absentéiste », plus soucieux de ses prébendes que de ses devoirs civiques : si le Parlement français, en ses deux assemblées, ne peut prétendre à incarner à lui seul la décision politique, il doit retrouver un rôle de discussion et de représentation, voire de conseil, sur le plan national et au-delà même des décisions prises à Bruxelles.
Cela nécessite de repenser l’architecture institutionnelle, non seulement de la France, mais aussi de l’Union européenne et de ses différentes pièces : il faudrait sans doute creuser l’idée d’une interpénétration des assemblées françaises et européenne qui verrait des députés siéger à la fois à Paris et à Bruxelles… De quelle manière ? Pour l’heure, je n’en imagine pas exactement les formes concrètes si j’en vois pourtant déjà les contours possibles…
Il ne s’agit pas de bâtir un simple modèle théorique, il s’agit d’ouvrir des pistes de réflexion, sans a priori ni démagogie ; en somme, pratiquer « l’imagination politique » sans oublier les réalités.
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