Quand j’étais plus jeune, j’adorais regarder les soirées électorales ou faire la tournée des mouvements politiques qui fêtaient dignement et festivement leurs résultats, qu’ils soient bons ou mauvais d’ailleurs… C’était l’occasion de boire du champagne à moindre frais, de vanter les mérites de la monarchie en adaptant le discours à la situation de l’hôte (défait ou vainqueur…) et, parfois, de repartir avec… des seaux et des paquets de colle qui allaient servir, dès le lendemain, à couvrir les panneaux d’affichage de la ville de placards royalistes ! C’était alors notre manière de faire campagne, après la bataille électorale, ce qui nous semblait plus efficace et plus visible car nous n’avions plus alors de concurrence… J’ai d’ailleurs repris cette bonne tradition en collant ce midi quelques affiches fleurdelysées (sous une pluie battante) à Auteuil-le-Roi, près de Thoiry.
Mais hier soir, je me suis contenté de suivre, d’une oreille presque distraite, la soirée et les débats post-électoraux à la radio et sur la Toile : bien sûr, j’essayais de connaître au plus tôt les résultats des listes monarchistes et de celle que je menais en particulier dans l’Ouest (j’en reparlerai dans une autre note de ce blogue), mais ce n’est pas vraiment ce qu’évoquaient les médias radiophoniques, plus occupés à commenter la « victoire » du parti présidentiel, la percée des Verts et la lourde et double défaite (aux conséquences inégales et différentes) du Parti socialiste et du Mouvement bayrouiste. L’un des arguments avancés pour expliquer les bons résultats des listes menées par l’ancien meneur de Mai 68 m’a fait sourire mais je ne suis pas convaincu qu’il ait été vraiment déterminant, même s’il a pu jouer, indéniablement, un certain rôle : la programmation du film d’Arthus Bertrand, « Home », aurait donné un coup de pouce majeur aux listes se réclamant de l’écologie, le célèbre photographe ayant avoué, dans « Le Parisien » de vendredi ou samedi qu’il votait « Vert ».
Justement, vendredi matin, j’accompagnais des classes de Seconde du lycée Hoche à la projection sur grand écran de ce film qui passait à la télé le soir même. « Home » a le mérite de rappeler que notre planète, si belle par tant de ses aspects, est aussi fragile et que ce sont les hommes qui, malgré leur supériorité intellectuelle sur les autres espèces vivantes, menacent les équilibres naturels par leur appétit féroce, par leur volonté démiurgique de tout contrôler et, parfois, par leur cupidité, mais aussi, plus simplement et plus largement, par leur désir d’ « avoir toujours plus », de consommer sans fin, parfois même « sans faim », et de consumer, par cela même, les ressources pas toujours renouvelables de notre Terre, de ses rivages comme de ses océans. Condamnation quasi-explicite de notre société de consommation, ce film montrait à la fois les emballements actuels et non-contrôlables du climat, et les tentatives, encore trop rares au regard des enjeux d’avenir, pour changer de perspectives et sauver ce qui peut, ce qui doit l’être pour la pérennisation de la vie (et de sa qualité) sur terre.
Ce film m’a parfois laissé un peu sur ma faim car, si le constat dressé et la morale de l’histoire étaient clairs et nets, il ne m’a pas semblé en être de même pour les solutions, plus suggérées que véritablement évoquées : en fait, il apparaît que les débats qui ont suivi, au cinéma comme à la télévision, complétaient utilement le film, joignant l’explication des nouvelles pratiques à appliquer à la belle démonstration des dangers encourus par la planète.
Mais qu’en reste-t-il, quelques jours après et surtout malgré la polémique autour de l’éventuel rôle de ce film dans la percée des listes « Verts » ? Sans doute une impression d’urgence mais aussi de fatalisme, comme si la tâche environnementale était trop lourde à assumer et à pratiquer… D’ailleurs, on aurait pu penser que, à la suite de ce film, la semaine des Mers et la journée mondiale des Océans (aujourd’hui même…) tiendraient une grande place dans l’actualité et les médias : il n’en est rien, comme si, une fois l’émotion passée, la société de consommation reprenait son festin d’ogre insouciant, réclamant une assiette toujours pleine de ces poissons dont les stocks ont désormais cessé de se renouveler, comme la morue de Terre-neuve, désormais disparue des mers et des étals, ou le thon rouge de Méditerranée, condamné à échéance de trois ans (trois ans ! Autant dire demain…).
Le combat pour la préservation de la planète ne passe pas, j’en suis persuadé, par une « gouvernance mondiale », mais bientôt plutôt par des politiques volontaristes et actives d’Etats soucieux de leurs propres concitoyens et de la pérennité des équilibres internationaux qui imposent, aussi, des coopérations fortes et éminemment politiques, qui puissent s’imposer aux puissances, aux féodalités financières et économiques… A bien y regarder, la France a plus fait, par le discours d’un Chirac (« la maison brûle, et nous regardons ailleurs »…) ou la convocation d’un « Grenelle de l’environnement » (malheureusement peu suivi d’effets concrets malgré la bonne volonté d’un Borloo et le harcèlement d’un Nicolas Hulot), suivi d’un « Grenelle de la mer », actuellement en cours, que la Commission européenne plus prompte à accepter les OGM et à déprécier les normes de l’agriculture biologique au nom du sacro-saint principe du Libre-échange marchand…
La France, et Nicolas Hulot le reconnaissait dans un récent manifeste, a la possibilité, par la place qu’elle tient sur la planète (deuxième superficie maritime, par exemple) et son rôle de puissance libre (quand elle veut bien assumer cette liberté…), de jouer un rôle d’entraînement et avoir valeur de modèle : encore faudrait-il que sa magistrature suprême soit elle-même inscrite dans la durée et puisse être libre des échéances électorales qui peuvent défaire ce qui a été entrepris auparavant, au gré des opinions fluctuantes et peu résolues à se laisser contraindre par une politique écologique moins consumériste… Là encore, il y a nécessité de Monarchie, et ce n’est pas tout à fait un hasard si, de par le monde, ce sont des monarques (comme le roi de Thaïlande, le prince de Monaco ou la reine des Pays-Bas) ou des héritiers de la Couronne (le prince Charles d’Angleterre, vanté un matin de ce printemps 2009 sur France-inter par… Cohn-Bendit lui-même !) qui apparaissent, parmi les chefs d’Etat, comme les meilleurs défenseurs de l’environnement…
Maillon d’une chaîne de générations qui doit penser à l’avenir de ses descendants, le monarque voit, par statut et obligation, au-delà de sa propre vie personnelle : « mes arrière-petits enfants me devront ombrage »…
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.