Au mois d’octobre dernier, j’ai écrit un texte sur la crise actuelle, texte qui a été imprimé et diffusé à plusieurs centaines d’exemplaires en région parisienne et en Bretagne et qu’il me semble utile, aujourd’hui et avec quelques mois de recul, de republier sur ce blogue. Je n’y ai pas changé une ligne, et je pense que l’article ici cité de Jean-Raphaël Chaponniere prend de plus en plus de valeur au fur et à mesure du temps qui passe : il me faudra en reparler prochainement car « la crise continue », avec toutes les ambiguïtés, d’ailleurs, qu’elle révèle, dans sa définition comme dans ses développements…
La crise financière continue à se développer sans que l’on sache combien de temps elle va durer et quelles en seront toutes les conséquences. La dégringolade des places boursières donne l’impression d’une vaste panique incontrôlée et d’une perte de confiance généralisée dans le système financier mondial. Mais, au-delà des évènements, il me semble important de chercher à comprendre ce qui se passe, condition indispensable à toute stratégie économique crédible et à toute réponse politique.
En fait, il n’est pas inutile de se rappeler que le terme même de crise est la traduction française du mot grec « krisis » qui signifie « séparation » : c’est bien de cela dont il s’agit, une séparation entre un avant et un après, une forme de transition en somme entre deux situations, deux réalités, deux mondes.
Ainsi, nous assistons au « passage de témoin » de la puissance financière et économique, des pays du Nord (Etats-Unis, pays européens, principalement) à certaines nations d’Asie, en particulier l’Inde et la Chine, ce que soulignent quelques (rares) articles qui évitent de tomber dans le piège d’une lecture simpliste et seulement idéologique, pas toujours suffisante pour comprendre la situation présente : si crise du capitalisme il y a, cela ne signifie pas la fin de celui-ci mais son transfert dans de nouveaux espaces dominants, dans de nouvelles zones de réalisation et d’expansion. Le centre du monde se déplace vers l’Asie et, comme tout déracinement de ce que l’on a cru éternel et inexpugnable, cela se fait dans de grands craquements et dans la poussière soulevée par ces grands arbres qui s’abattent sur un sol devenu aride… L’argent est désormais ailleurs que dans nos pays qui, en caricaturant un peu, se contentent juste de consommer des produits fabriqués en Asie, serrant par là-même la corde autour du cou de nos économies.
La question posée dans « Le Monde 2 » dans son édition du samedi 4 octobre : « Au décours de cette crise, les actuels maîtres du monde seront-ils toujours ceux de demain ? » trouve ainsi sa réponse dans un autre article du « Monde » du même jour : « La crise renforcera l’Asie », article de l’économiste Jean-Raphaël Chaponniere qu’il conviendrait de découper et de conserver dans son portefeuille, non comme un talisman mais comme un avertissement, et qui confirme mes prévisions déjà anciennes.
Ainsi, est-il expliqué que « la crise financière, la plus grave depuis 1929, accélérera le glissement du centre du monde vers l’Asie », glissement commencé depuis les années 80-90 et freiné par la crise de 1997. « Cependant, tous les pays asiatiques ont tiré les leçons de la crise de 1997 et ont accumulé des réserves pour se protéger. Investis en bons du Trésor américain, elles ont permis aux Etats-Unis de maintenir des taux d’intérêt bas et aux ménages américains de s’endetter davantage. L’Asie a ainsi profité de la boulimie de consommation aux Etats-Unis. Ces excès ont conduit à la crise. (…)
Depuis l’été 2007, les Etats-Unis souffrent de la grippe des subprimes et, si les marchés asiatiques ont souffert, les économies réelles ont été épargnées. En 2009, elles seront bien sûr affectées par la récession qui s’annonce. Pour autant, elles connaîtront un rythme de croissance supérieur à celui des économies américaines, européennes et japonaises.
(…) L’attention portée aux échanges occulte l’essentiel : la croissance asiatique repose bien davantage sur la demande domestique. L’investissement et la consommation sont les principaux ressorts de ces pays. Ils ne seront affectés qu’à la marge par la crise. (…)
Les Etats et les ménages asiatiques qui en ont les moyens financiers continueront d’investir et de consommer. S’ils ont pâti de la crise financière, les fonds souverains asiatiques vont quant à eux probablement saisir cette opportunité pour acquérir des actifs aux Etats-Unis et en Europe.
(…) En accélérant le basculement vers l’Asie, la crise actuelle accouchera d’un monde multipolaire. ».
Comprendre ce transfert de richesses et de puissance économique, c’est en prévenir aussi les conséquences et en amortir le choc : le capitalisme libéral, s’il se retire de nos terres pour aller fleurir ailleurs, pourrait bien laisser la place à de nouvelles formes, traditionnelles ou inédites, d’économie et de société, mieux orientées vers le partage et la sobriété. Pour en finir, non pas avec l’Argent, mais avec son règne indécent et cruel…
(8 octobre 2008)
C'est intéressant comme idée, mais je vois plusieurs problèmes.
Tablons sur le developpement économique de la Chine.
Cela entraîne des entreprises chinoises plus puissantes et une population plus riche, qui va se former, et donc ne plus être bon marché.
La puissance actuelle chinoise est en grande partie fondée sur les investissements étrangers. Si la main d'œuvre perd son principal atout, les entreprises occidentales vont chercher encore moins cher.
On pourrait alors assister à une partition de la Chine entre Nouveaux Riches et Exploités à la fois par les nouvelles grandes FTN chinoises et les Occidentales ; situation qui à mon sens ne peut durer qu'un temps.
Si ce n'est pas le cas, les entreprises occidentales s'en vont, par exemple en Afrique. Les Chinoises doivent également délocaliser pour rester dans la compétition. Bon tout le monde part en Afrique ou dans un pays pas cher.
Au final, la Chine ne se trouve t elle pas dans la même situation que l'occident ?
Si son développement est basé sur l'exploitation occidentale, et que celle ci disparait, ses propres produits (si on considère que la partition Riches/Exploités n'existe pas) ne seront plus bon marchés par rapport aux Occidentaux, et dans le cadre de la mondialisation la chine ne peut se permettre de vendre à sa seule population.
Donc la Chine délocalise, et se retrouve dans la position actuelle de l'occident.
Cette délocalisation n'est t elle déjà pas en marche en Afrique avec les nombreux investissements chinois vers ce continent jusqu'alors oublié de la mondialisation ?
Ensuite, si la Chine devient la premiere puissance économique mondiale, n'y aura t il pas un rejet des produits chinois en occident, tombeurs de leur gloire ?
Enfin bref, ma pensée part un peu dans tous les sens, mais je pense que les firmes occidentales ne patiront pas tellement de la puissance chinoise si elles savent produire à bas coût et concevoir en occident.
De plus, l'occident n'est t elle pas en train d'amorcer sa révolution verte, que les chinois rejettent ? Or révolution dit prise d'avance encore plus importante et relance de l'économie.
Bref, j'ai évoqué de nombreux aspects, en espérant que vous puissiez en tirer les grandes lignes et proposer des alternatives.
Rédigé par : Zoubi | 01 juillet 2009 à 14:24
L'Occident est doublement piégé: par le fait qu'il dépend de son mode de vie consumériste et par le fait qu'il n'est plus capable de produire les objets nécessaires à sa propre consommation.
Rédigé par : JEAN DU TERROIR | 01 juillet 2009 à 18:19
Merci pour les deux commentaires ci-dessus que j'évoquerai dans une prochaine note car je prépare une série de textes sur ce thème d'ailleurs passionnant.
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 05 juillet 2009 à 01:38