Pendant les vacances, la crise du lait continue, sans émouvoir grand monde et sans que les médias n’y accordent beaucoup d’attention. Pourtant, ce sont des milliers d’éleveurs français, en particulier normands et bretons, qui risquent d’être les premières et principales victimes de cette crise qui révèlent surtout les dangers d’une dérégulation et du « laisser faire, laisser passer » libéral, européen comme mondial.
La principale raison avancée par la plupart des économistes et les technocrates bruxellois serait la baisse de la demande, en particulier asiatique et liée au scandale du lait frelaté en Chine, qui affecterait le marché du lait et entraînerait mécaniquement, par le simple jeu des lois du Marché, la baisse des prix des produits laitiers.
En fait, il y a là une certaine erreur de perspective : d’abord, si les sommes versées aux producteurs par tonne ne cessent de diminuer (certains parlent de près de 30 % en un an), cette baisse ne se répercute que fort modestement dans la distribution, environ 2 %... Ainsi, le consommateur n’est pas incité à consommer plus et les stocks s’accumulent, provoquant le maintien d’un prix trop bas pour les producteurs, prix qui ne couvre pas le coût de leur production ! Une conséquence encore aggravée par le principe de la négociabilité quasi permanente des prix entre producteurs et distributeurs, permise par la loi Chatel de 2007 et la LME (loi Lagarde, « loi de modernisation économique »), qui ne favorise guère les agriculteurs, c’est le moins que l’on puisse dire !
En somme, les éleveurs produisent à perte et s’enfoncent dans l’endettement pour un certain nombre d’entre eux, prisonniers de leurs investissements et de leurs emprunts : ce n’est pas une situation acceptable, d’autant plus qu’elle touche en priorité les petits et moyens éleveurs, les plus fragiles donc au niveau financier. Le problème réside en partie dans les pressions de la grande distribution pour acheter moins cher et augmenter leurs marges de bénéfices : une logique capitaliste assez simple à comprendre mais qui a des conséquences désastreuses sur le tissu social agricole (production et transformation).
D’autre part, la Commission européenne, qui a d’ailleurs un peu infléchi son discours ces dernières heures (mais cela sera-t-il autre chose que des propos destinés à « apaiser » les tensions actuelles ?), se situe dans une logique de rentabilité et de libre-échange sans limite véritable, comme le signalent ses propres déclarations sur la « nécessaire restructuration », dont on sait trop bien que cela signifie la fin des petites exploitations au profit de « grands ensembles agroalimentaires », d’exploitations géantes qui sont mieux adaptées aux structures même de la société de grande consommation dans laquelle nous vivons.
Alors, que faire ? Dans l’immédiat, sans doute et même si cela ne peut être qu’un moyen temporaire, il serait utile que la Commission européenne rétablisse une véritable régulation du Marché du lait par les quotas laitiers. Mais, il faut surtout repenser les cadres et les liens entre producteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs, mais aussi les modes de production, dans le cadre d’une nouvelle politique agricole et environnementale, en France comme en Europe.
En attendant, comme d’autres amis soucieux d’agir au quotidien, je privilégie les achats laitiers (lait et beurre, certes, mais fromages surtout…) chez de petits producteurs présents sur le marché local ou chez mes fromagers traditionnels, et je n’en fais aucun en supermarché, c’est tout simple…
Après tout, la crise du lait est peut être une bonne chose puisqu'il est cancérigène... A quand la crise de la viande?
Rédigé par : Philippe | 30 juillet 2009 à 08:53