La lecture de quelques articles datant d’avant la mise en place de la monnaie unique européenne s’avère parfois fort instructive : ainsi celle de ceux publiés par la revue « Géopolitique » dans l’année 1996 sous le titre général de « Monnaie unique : le débat interdit. ». J’ai en particulier relevé l’article du professeur d’économie politique Wilhelm Hankel, fort critique sur le concept même de cette monnaie, à l’époque encore annoncée et pas encore pratiquée : le titre, qui à l’époque pouvait choquer certains, résonne étrangement et douloureusement aujourd’hui : « La dynamite qui fera sauter l’Europe »… Il est vrai qu’au regard des propos fort peu amènes et très peu solidaires des dirigeants allemands, chancelière en tête, à l’égard des Grecs, le titre apparaît prémonitoire !
Il est d’autant plus intéressant de relire cet article que, toujours à l’époque, qui osait remettre en cause les bienfaits annoncés de l’euro passait alors pour un « retardé » ne comprenant rien aux lois de l’économie ou, pire, un nationaliste grincheux, voire dangereux ! Pourtant, l’histoire nous enseigne tout de même une certaine prudence à l’égard des « pensées magiques » ou des idéologies obligatoires… Et le vieux royaliste que je suis, toujours inquiet pour les siens (au sens large du terme), préférait aussi penser aux risques et aux conséquences d’un échec pas totalement impossible de cet euro trop beau (y compris dans les manuels scolaires des années 1990, à relire pour saisir certains aveuglements du moment…), trop vanté pour être totalement rassurant, voire honnête ! Non que je souhaitais forcément cet échec mais que je ne voulais pas méconnaître cette possibilité, tout simplement : un homme averti en vaut deux… Sans doute aussi de ma part une application de la méthode maurrassienne de « l’empirisme organisateur » tant de fois rappelée dans les cercles d’études de l’Action Française : en somme, prudence et humilité, ce qui n’empêche pas l’audace mais évite, ou cherche à éviter, la course à l’abîme.
L’euro a été fait et il a déçu, et il déçoit : l’idée elle-même d’une monnaie européenne était-elle forcément mauvaise ? Peut-être pas, sauf qu’il me semble qu’une « monnaie commune » plutôt qu’unique aurait été plus crédible et plus pratique, laissant aux Etats, en même temps que leur monnaie respective, une part de souveraineté monétaire et donc la possibilité d’adapter leur politique propre aux contextes et aux enjeux du moment… Cette cohabitation de monnaies nationales et d’une monnaie commune européenne était-elle possible ? Oui, et elle avait d’ailleurs été évoquée avant que la monnaie unique ne soit adoptée.
Que disait d’ailleurs cet universitaire allemand cité plus haut ? Que la monnaie unique était « prématurée – aucune des économies européennes n’a atteint une maturité suffisante pour elle, c’est ce que révèlent les soi-disant critères de convergence qui ne sont rien d’autre que l’aveu qu’elle est irréalisable sans sacrifices substantiels et sans dommages sociaux. » Effectivement et comme le souligne plus loin ce même économiste, c’est le social qui fait les frais de cette politique de monnaie unique, mais cela était annoncé par le Traité lui-même : « On n’y trouve même pas le mot « social » », au chapitre portant sur la politique monétaire, rappelle-t-il ! De plus, « les critères ne s’appliquent qu’à l’accès à l’Union monétaire et non pas à l’appartenance à celle-ci – raison pour laquelle il faut sans cesse améliorer le Traité ». Il faut relire ces lignes car elles disent tout de la situation actuelle de la Grèce et des difficultés qu’elle rencontre aujourd’hui, après son entrée « indélicate » dans la zone euro, indélicate au regard de ses manœuvres plutôt frauduleuses mais sur lesquelles la Commission européenne avait alors fermé les yeux (pour des raisons aussi peu honorables que les pratiques hellènes, mais plus idéologiques qu’économiques…). Elles disent aussi l’hypocrisie d’une Union européenne qui a « oublié », régulièrement et naturellement, « le social », au point que toutes les campagnes européennes se font désormais, à gauche (et plus en France qu’ailleurs…), sur cette antienne, preuve a contrario s’il en fallait que l’actuelle Union n’est guère sociale et n’a pas été construite sur cette préoccupation pourtant nécessaire à l’harmonie des sociétés humaines et politiques !
Les royalistes ne cessent de clamer que « l’économie doit être au service des hommes » et non au profit de quelques uns, aussi brillants soient-ils : sans justice sociale, il n’y a pas d’équilibre social qui tienne ! Que l’euro ait été pensé (et validé) sans référence au social explique aussi les souffrances des salariés, mais aussi la colère populaire qui monte, en Grèce, au Portugal et en France, entre autres…
(à suivre)
"Cette cohabitation de monnaies nationales et d’une monnaie commune européenne était-elle possible ? Oui, et elle avait d’ailleurs été évoquée avant que la monnaie unique ne soit adoptée".
Qui a dit "oui" ?
On sait bien qu'une monnaie internationale de libre cours dans le pays aurait submergé une monnaie nationale, utile seulement pour faire les courses et payer son café en terrasse, puisque tout le commerce du Marché commun serait passé à la première.
Dès lors que les salaires et l'épargne populaire auraient été coincés sur la monnaie nationale, il est à parier que les dévaluations gouvernementales alors redevenues possibles pour adoucir les déficits les auraient terriblement entamés.
L'examen des pays de l'Est non-intégrés parle d'abondance. Les ménages ont été ruinés par la crise budgétaire et financière de leur pays, car les emprunts (immobiliers) leur avaient été accordés par les banques de la place libellés dans une monnaie sûre, donc en euros et pas en forints ou couronnes.
Ce que l'on ne veut pas dire en France c'est d'abord que le franc français ne fut jamais une monnaie internationale (cotation par opposition sur la place de Paris) mais plutôt une piastre dont tout détenteur se méfiait, jusqu'à l'entrée dans le serpent monétaire européen. Mais même après les frets maritimes par exemple n'étaient jamais cotés en FRF même au départ de la France vers l'Afrique. C'est dire !
Ensuite, que l'euro est le nom communautarisé du deutschmark. L'Euroland est une zone DEM régie par l'Allemagne et la BCE de Franfort. L'intégration monétaire, dont les avantages existent aussi (!) était destinée aux pays sérieux, et il fallut beaucoup d'entregent aux Français et aux Italiens pour convaincre le Nord.
Cette vérité réapparaît aujourd'hui avec la (fausse) crise grecque. Les pays du Nord font bloc derrière Berlin pour expulser la Grèce si nécessaire, et le gouvernement grec a bien compris la menace et ne veut pas la ruine par la drachme revenue.
Le message de la Chancellerie est à l'intention de tous les pays latins qui posent problème par leur gabegie endémique. C'est ça la vraie question. L'euro est un révélateur de bonne gestion et ce thermomètre implacable nous est insupportable. Il va montrer à tous que la France n'est pas un pays géré. Le fut-elle jamais depuis Poincaré ?
Rédigé par : Catoneo | 08 avril 2010 à 17:12
moyen moyen mon cher jean philippe!!essayez de dire ca a vos secondes; ils ne seront pas convaincus...
Rédigé par : Anonyme | 09 avril 2010 à 17:05