La démographie est un indicateur important de la santé d’une société et tout pouvoir politique digne de ce nom doit y être attentif, non pour se mêler de la vie des alcôves mais pour prévoir et gouverner : c’était déjà l’une des préoccupations majeures du pouvoir des pharaons, et l’une des activités des scribes consistait à compter les sujets de l’Etat, pour des raisons fiscales et militaires…
Aussi, l’information rapportée dans son édition du mercredi 27 octobre 2010 par le quotidien « La Croix » n’est-elle pas anodine, loin de là, et mérite intérêt et réflexion : « La mortalité infantile a augmenté en France en 2009. ». Bien sûr, cette évolution est très limitée (on passe de 3,6 à 3,7 décès pour 1000 naissances vivantes) mais elle est significative car elle intervient après plusieurs années de stagnation d’une diminution qui, jusque là, apparaissait inéluctable et alors que nos voisins européens enregistrent une baisse continue de cette même mortalité infantile. « La France est ainsi passée du 5ème au 14ème rang en la matière. La détérioration de la situation concerne surtout les premiers jours. « Les décès survenant au cours de la première semaine de vie augmentent, eux, depuis trois ou quatre ans (…). Nous sommes passés de 1,5 décès pour 1000 naissances vivantes en 2005 à 1,7 en 2009. » ».
C’est en Outre-mer que les chiffres sont les plus mauvais et c’est souvent lié au suivi insuffisant des grossesses et à la mauvaise qualité de l’eau dans certains quartiers. Mais, au-delà, sans doute faut-il y voir un avertissement pour la métropole elle-même à l’heure où tant de maternités de proximité ferment et où, selon une enquête récente, plus de 8 millions de nos concitoyens ont un accès de plus en plus limité aux soins faute de moyens ou de remboursements suffisants.
Le gouvernement en place aurait tort de négliger cette question car, si elle reste apparemment marginale, c’est cette évolution négative elle-même qui pose question et problème : la France doit-elle, même pour des raisons budgétaires, relâcher l’effort pour améliorer la venue et l’accueil au monde des enfants, avenir de notre pays ? Peut-on accepter que l’Outre-mer ou que les campagnes métropolitaines soient délaissées par le combat contre la mortalité infantile (mais aussi la mortalité maternelle qui reste un souci pas totalement évacué) ?
En fait, la politique de lutte contre les mortalités maternelle, infantile et enfantine, s’inscrit dans la question plus large de la politique de santé de notre pays et dans celle de la politique familiale, deux questions qui n’occupent pas le devant de la scène médiatique mais qui n’en sont pas moins importantes. Là encore, il faut repenser la philosophie et l’architecture de ces politiques, et il y a fort à parier que la République actuelle, qui a du mal à se projeter au-delà des prochaines échéances électorales ou des prochains oukases des agences de notation financières, n’en aura ni le temps ni la volonté… Sans doute aussi parce que la République a tranché le lien avec « la famille mère », celle-là même qui donnait à la France un visage humain, non celui d’un buste de plâtre ou des affiches électorales, mais celui d’une famille, d’une dynastie régnante, d’un mélange constant des générations, des plus vieux aux plus jeunes… La Monarchie naît au sein d’une famille quand la République élective, elle, se pense en s’émancipant des rapports et des liens familiaux : cela se ressent aussi dans son appréhension des questions démographiques…