La révolution n'est pas encore finie en Tunisie et tous les possibles restent envisageables, entre démocratie et, même, dictature : à l'heure qu'il est, rien n'est encore sûr, si ce n'est que tous les acteurs institutionnels ont intérêt à en finir le plus vite possible avec les désordres et l'incertitude, ne serait-ce que pour rassurer les investisseurs et les touristes qui remplissent d'ordinaire les caisses du pays...
Mais les agences de notation, celles-là mêmes qui menacent régulièrement les pays de la zone euro de dégrader leur note pour des raisons pas toujours très claires, ne laissent aucun répit à la Tunisie : ainsi, le site internet du « Figaro » signalait vendredi soir que « l'agence de notation Fitch a placé la note BBB de la Tunisie sous surveillance négative. Cette décision « reflète l'éclatement soudain et imprévu d'un risque politique et les incertitudes politiques et économiques » qui en découlent. ». En somme, la révolution est un risque, ce qui n'est pas vraiment une surprise, et la stabilité antérieure était, aux yeux de l'agence, bien préférable... Comme quoi la question du régime politique n'intéresse les économistes que sous l'angle des affaires (et des profits) potentiels et non sous celui de la justice sociale ou de la liberté politique, ce qui « légitime » (sic!) sans doute la véritable sinophilie qui s'est emparé des milieux industriels et boursiers ces dernières années !
Mais le cynisme de Fitch ne s'arrête pas là : « La promesse d'élections anticipées ainsi que d'une ouverture du système politique introduit des incertitudes supplémentaires », poursuit le communiqué de l'agence de notation. En somme, « l'ouverture du système politique » n'est vraiment pas une bonne chose, si l'on comprend bien l'agence, car elle représente ce que détestent ces milieux d'affaires qui pourtant se réclament du libéralisme et du libre jeu du Marché : le risque ! Il y aurait beaucoup à dire sur la duplicité de ces agences qui ne cessent de réclamer une déréglementation et un démantèlement de la fonction publique d'Etat mais ne supportent pas que leurs activités soient dérangées par de misérables événements politiques ou la contestation d'un régime dictatorial...
Cette arrogance des milieux d'affaires devra bien, un jour, être contrecarrée par une politique d'Etat qui privilégiera les hommes et les sociétés, la justice sociale et la parole politique elle-même : en France, la monarchie a jadis montré qu'elle savait agir, y compris contre les intérêts des plus riches, et qu'elle n'hésitait pas à s'imposer aux féodalités économiques, au risque de déplaire à celles-ci qui n'eurent alors de cesse de l'affaiblir pour mieux installer leur propre règne.
Si cette agence de notation avait eu quelque conscience ou morale, elle aurait suspendu pour quelques semaines ses jugements sur la Tunisie, le temps que la situation s'éclaircisse (en bien ou en mal, d'ailleurs...) et elle aurait évité de jeter de l'huile sur le feu, au risque de pénaliser un peu plus un pays déjà en difficulté ! Mais la cupidité est, non pas une seconde nature, mais bien la première de ce genre d'agences qui ne créent rien mais vivent de leurs chantages à l'égard des pays qu'ils notent dans une logique purement spéculative.
Il est temps que le politique reprenne ses droits, et pas seulement en France...
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