Il y a quelques jours, lors d'un entretien télévisé, M. Trichet, président de la Banque Centrale Européenne, déclarait qu'une augmentation des salaires en Europe serait « la dernière bêtise à faire », ce qui n'avait qu'à peine ému la presse et l'Opinion, blasée depuis longtemps devant tant d'outrecuidance et d'assurance de la part des oligarques qui dirigent l'Union européenne. Le débat sur les salaires n'est pas nouveau et un rapport présenté à la Commission européenne il y a quelques années déjà évoquait sans beaucoup de précaution la « nécessité » de baisser les salaires en Europe pour des raisons de compétitivité : nous y sommes, d'ailleurs, puisque les salaires des fonctionnaires dans plusieurs pays de l'Union, et en particulier de la zone euro, ont déjà diminué, de 5 % en Espagne et au Portugal à 14 % en Irlande et 25 % en Roumanie (le salaire moyen d'un prof y est inférieur à... 300 euros ! Oui, 300 euros mensuels !) ; quant à la France, les salaires des fonctionnaires y sont gelés depuis l'an dernier tandis qu'un quart des salariés (environ 6 millions de personnes), principalement dans le privé, touchent moins de 750 euros mensuels. Il n'est pas interdit de discuter ces conditions salariales, me semble-t-il, y compris en cherchant des alternatives à des hausses qui pourraient peut-être (évitons les affirmations trop péremptoires en ce domaine), si elles ne s'accompagnaient pas de contreparties ou de choix des salariés eux-mêmes sur la charge ou le temps de travail, s'avérer contreproductives sur le plan de l'emploi. Mais, encore faut-il qu'il y ait discussion honnête et que chaque partie négociatrice fasse des efforts à mesure de ses possibilités : sinon, c'est l'injustice sociale qui s'installe, au risque de fragiliser même l'équilibre de notre société et de celle de nos voisins et partenaires.
Que chacun fasse des efforts, en particulier ceux qui, encore et toujours, demandent « plus de rigueur » aux Etats dans la gestion des deniers publics et « plus de sarifices » aux salariés. Chacun, y compris M. Trichet lui-même dont le quotidien économique « Les échos » nous apprend qu'il est « le mieux payé des banquiers centraux » : « Ses émoluments ont atteint 367.863 euros, en hausse de 2 % par rapport à 2009 »... Oui, ce monsieur, le même qui s'inquiète d'une possible hausse des salaires du travail en Europe, n'a pas daigné refuser celle qui lui a été octroyée généreusement : n'y a-t-il pas là un « mauvais exemple » et, en tout cas, une preuve de cynisme à l'endroit des salariés européens sommés d'accepter les oukases des technocrates et experts de l'Union européenne sans rechigner ? Il y a des coups de pied au derrière qui se perdent...
Ce même article des « échos » nous apprend que Mervyn King, le gouverneur de la Banque d'Angleterre a touché un salaire annuel presque équivalent de 356.459 euros mais, et c'est cela qui marque la différence que l'on peut qualifier de morale, qu'il « a refusé, en 2010, toute hausse de salaire », ce qui est tout à son honneur. M. Trichet, lui, n'a même pas eu ce scrupule honorable...
Trichet n'est pas qu'un triste sire, il est un malfaisant qui, du haut de son statut de banquier central européen, veut imposer les règles d'une oligarchie qui est, d'abord, celle de l'Argent et du Marché, de ce Marché sans morale ni honneur qui use les travailleurs à les exploiter sans vergogne.
Que l'Union européenne, à sa tête, ait de tels personnages, ne rassure pas sur la possibilité qu'elle soit, un jour, véritablement sociale...
Il n'est pas interdit de penser que, si la France elle-même retrouvait en son sommet une famille et un père de famille soucieux de l'avenir de ses enfants comme de celui de ses sujets-citoyens, il en irait bien autrement : la France royale se doit de prouver qu'il ne peut, aujourd'hui, y avoir d'Etat légitime s'il n'y a pas de justice sociale concrète assurée par celui-ci. Si le politique ne doit pas étouffer la liberté économique, il a le devoir de s'imposer aux féodalités financières et industrielles pour préserver le Bien commun et les équilibres sociaux. En France, la main de justice est remise au roi lors du sacre : cette main n'est pas un hochet futile, elle est un symbole, un attribut même du pouvoir royal, et, face aux Trichet de l'Union européenne, une nécessité pour rappeler qu'il n'y a pas de société viable et libre sans justice sociale !
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