Ce mardi 8 mars était la traditionnelle « journée de la femme » et, dans les médias comme dans la salle des profs, on ne parlait que... d'une femme : Marine Le Pen, et des sondages, au nombre de trois désormais, qui la donnaient en tête des intentions de vote au premier tour de la prochaine présidentielle, prévue pour 2012, dans quatorze mois maintenant.
Plusieurs remarques s'imposent : d'abord, « sondage n'est pas suffrage », comme le dit l'adage, et, à une telle distance de l'élection elle-même, ils indiquent plus un état de l'Opinion à un moment donné, sans enjeu ni conséquences apparents, qu'une réalité politique concrète. Par expérience, on sait que les sondages éloignés du vote lui-même sont souvent, par la suite, « corrigés », voire totalement démentis par les urnes : Giscard, Barre, Balladur ou Chevènement, chacun en leur temps, ont fait les frais de cette règle simple, mais aussi la Constitution européenne qui, à l'été 2004, frôlait les 75 % d'opinions favorables avant d'être condamnée à un maigre et défait score de 45 % des suffrages exprimés le soir du 29 mai 2005...
Ensuite, ces sondages interviennent dans un moment particulier : troubles non loin de nos côtes ; exaspération des citoyens devant les hausses multiples des produits de consommation courante tandis que les salaires stagnent et que le chômage s'est fortement accru ces derniers mois ; sentiment de dépossession des citoyens face à une Europe qui se fait de plus en plus punitive et dont les dirigeants, tels M. Trichet, se font trop arrogants, voire méprisants à l'égard des salariés et des peuples, etc. L'arrogance des oligarques, qu'ils soient ceux de notre République sarkozienne ou des Marchés financiers, exacerbe les réactions des populations et, après un temps de grand fatalisme, l'exemple des « révolutions arabes » (sans doute moins révolutionnaires qu'on ne le croit d'ailleurs...) réveille quelques ardeurs ou des discours populaires plus combatifs, voire activistes : faute d'émeutes dans les rues et de révolutionnaires prêts à renverser le régime d'un grand coup d'épaules, les citoyens énervés se « lâchent » dans les sondages, se servant du nom de « Marine Le Pen » comme d'un klaxon destiné à faire sursauter et s'indigner une classe politique qui leur semble sourde aux multiples avertissements électoraux ou sociaux des années (voire des décennies) dernières... En somme, c'est sans risques, pensent de nombreux Français qui y voient juste là une manière de gâcher les « soirées de la Haute » !
« Ils n'ont rien compris », grincent de nombreux Français en pensant aux hommes politiques et aux partis classiques de « l'arc républicain » : il est vrai que la suffisance des politiciens du Pouvoir en place comme de l'Opposition officielle (qui cache sans doute une impuissance douloureuse face aux féodalités financières et économiques), leurs discours décalés du réel et du vécu des populations, leurs « grands principes » souvent paravents de leur « petite vertu », leur « européisme sans Européens », etc. délégitiment le jeu politique traditionnel et une démocratie représentative malade de n'être désormais qu'une sorte de « pays légal » de plus en plus coupé du « pays réel ».
Les sondages «Marine Le Pen », comme on les appelle déjà dans un raccourci surprenant, sont un symptôme, et rien qu'un symptôme, celui du malaise politique qui saisit depuis quelques temps déjà l'Opinion publique dans ses multiples secteurs, groupes et sous-groupes : il n'apporte pas de réponse concrète aux problèmes de notre société et aux questions de civilisation, et ce n'est sans doute pas sa fonction, d'ailleurs.
Mais ils montrent aussi que la République, telle qu'elle s'est montré ces derniers temps, ne remplit plus le rôle historique qu'elle avait revendiqué en des temps plus anciens, et qu'elle est à bout de souffle, faute d'avoir su préserver l'indépendance et la force de l'État face aux féodalités qui se veulent suzeraines de notre société et de nos familles.
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