Cette année, j’ai corrigé une soixantaine de copies d’histoire-géo du baccalauréat : un rituel que j’accomplis aux terrasses des cafés, au bord de la mer parfois (à Dinard, au bar du casino, au-dessus de la plage…), dans la salle des profs de mon lycée ou, plus rarement, à mon bureau, véritable capharnaüm dans lequel j’ai du mal à me retrouver ! J’y mets beaucoup de sérieux, malgré mon agacement devant les sujets proposés et choisis, mais aussi face aux consignes « conciliantes » (c’est-à-dire démagogiques) des autorités de l’Education nationale qui tendent à faire du bac un simple « droit de l’homme » (sic !) ou un certificat de fin d’études secondaires sans enjeu ni véritable valeur…
Les incidents nombreux de cette session de juin 2011 ont porté un coup très rude au crédit d’un examen qui n’en avait déjà guère plus beaucoup avant même le commencement des épreuves. Le retentissement donné à la diffusion d’un exercice de mathématiques sur la toile à la veille de l’épreuve a caché d’autres fraudes autrement plus importantes et plus massives, comme celle des fuites autour de l’épreuve d’anglais ou l’usage des téléphones reliés à internet pour « vérifier » les croquis de géographie (petite opération rapide ayant généralement lieu dans les toilettes…). Sans compter que la disposition des tables dans les salles d’examen permettait parfois les coups d’œil curieux sur la copie des proches voisins…
Néanmoins, il ne faudrait tout de même pas que l’arbre des fraudes, aussi importantes aient-elles été cette année, cache la grande honnêteté de la plupart des concurrents, sérieux et soucieux de bien faire.
Cela étant, la question se pose avec une plus grande insistance encore désormais : que faire du baccalauréat ? A l’origine, celui-ci, premier diplôme et grade universitaire, était un véritable examen et rares étaient ceux qui arrivaient, après un parcours fort laborieux, à le décrocher : sa valeur tenait aussi au petit nombre des heureux (mais pas hasardeux !) bénéficiaires. Faut-il regretter cette époque ? Pas vraiment car ce petit nombre tenait aussi à ce que les études secondaires n’étaient ouvertes qu’à un nombre forcément restreint de jeunes Français. L’augmentation du nombre d’élèves des lycées n’est pas, en soi, une mauvaise chose, loin de là, et je ne suis pas favorable à sa limitation drastique que certains peuvent préconiser tandis que, en fait, les autorités pédagogiques de l’Education nationale, elles, s’acharnent à abaisser le niveau au nom d’une « démocratisation » démagogique et niveleuse. En fait, la grande erreur des pontes de l’Education nationale c’est de croire qu’il faut se mettre « au niveau » des élèves quand, en fait et de manière plus efficace, il s’agit de se mettre « à portée » des élèves, ce qui n’est pas du tout, mais alors pas du tout, la même chose !
Se mettre « au niveau », c’est abaisser celui-ci pour gonfler les scores du bac ou d’autres examens, quand se mettre « à portée », c’est, sans diminuer le niveau d’exigence, déployer tous les moyens possibles pour élever le niveau des élèves ! La deuxième attitude me semble plus honnête et plus intéressante que la première : enseigner l’histoire-géographie n’est pas seulement enseigner quelques thèmes « historiquement corrects » mais chercher à susciter la curiosité, à montrer les ressorts de l’histoire et comprendre ceux de la géopolitique, amener à réfléchir sur ce qui forme la vie des hommes et des sociétés, etc. Pour cela, la rigueur est tout aussi nécessaire que la distanciation et l’humilité (ce qui n’empêche pas la passion), et se pencher sur quelques grandes figures ou événements ne me semble pas négligeable. Sans oublier d’évoquer les grandes pistes de notre histoire nationale, non par chauvinisme mais par nécessité de savoir ce que nous sommes et quelles sont les potentialités de nos « traditions », au-delà de nos gloires et de nos erreurs françaises, de nos résistances et de nos faiblesses : si nous sommes des héritiers qui n’avons pas choisi ni notre naissance ni notre héritage, aussi lourd soit-il parfois, il n’est pas inutile de le connaître, dans l’esprit et l’espoir d’une « tradition critique »… Marx, à la suite d’ailleurs des traditionalistes français, n’avait pas tort d’affirmer que « celui qui ne connaît pas l’Histoire est condamné à la revivre », et le plus souvent, pour le pire !
(à suivre)
Great delivery. Solid arguments. Keep up the amazing effort.
Rédigé par : Joyce Banda | 23 janvier 2014 à 12:08