Dans les débats actuels sur la crise de la zone euro, il me paraît fort étrange que les économistes invités par les rédactions des radios et télés soient toujours les mêmes, formant un petit aréopage d'à peine une dizaine de personnes, et qui partent pratiquement tous des mêmes présupposés et participent presque tous de la même pensée, non pas unique en tant que telle, mais plutôt dominante... Du coup, la voix des économistes hétérodoxes n'est guère audible, éloignés qu'ils sont des micros officiels, à de rares exceptions près.
Ainsi, je regrette de ne pas entendre la voix de Jacques Nikonoff qui vient pourtant de publier un gros livre fort documenté de plus de 450 pages intitulé d'un provocateur « Sortons de l'euro ! » et sous-titré « Restituer la souveraineté monétaire au peuple ». On peut ne pas être d'accord avec le titre ou les idées et propositions émises par l'économiste, mais il serait bon, au moins et pour la dignité du débat public, de pouvoir entendre exposer et développer les arguments hostiles (ou seulement peu favorables) à la monnaie unique. Tout comme on aimerait entendre Jacques Sapir, dont le livre sur « la démondialisation » n'est pas insignifiant, loin de là, pour comprendre les processus actuels et leurs conséquences autant que leurs perspectives. Idem pour Paul Jorion ou Frédéric Lordon, et nombre d'autres...
La presse écrite, quant à elle, est souvent plus ouverte que les médias audiovisuels, comme le démontre le dernier numéro de « Marianne » paru le 13 août et qui ouvre ses colonnes à quelques voix discordantes dans le concert des économistes, ce qui permet d'avoir une vision moins manichéenne des événements actuels et des enjeux, mais aussi de rompre, parfois, avec « l'économiquement correct ». Mais les télés, qui restent le vecteur principal de l'information pour le plus grand nombre, sont imperméables à ces voix « différentes »...
Cette situation déséquilibrée, malgré des apparences de pluralisme que revendique les grands médias à défaut de l'appliquer réellement, rappelle quelques mauvaises habitudes et attitudes des gardiens de « l'économie officielle » qui, durant plus de vingt ans, ont marginalisé le seul Prix Nobel d'économie français, Maurice Allais parce que celui-ci ne se contentait pas des dogmes dominants mais évoquait quelques idées peu compatibles avec le libre-échange sans frein triomphant depuis les années 90... Sans doute est-il encore temps de le relire ! Mais, au-delà, d'en tirer quelques leçons pour la suite : la crise reste devant nous, et il importe de ne pas s'abandonner au fatalisme, même en économie...
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