L'Université d'été du MEDEF est marquée, cette année, par l'actualité économique européenne et, surtout, par la volonté de madame Parisot de faire triompher l'idéologie du fédéralisme européen qui, faut-il le souligner, n'a pas grand chose à voir avec le fédéralisme traditionnel français... Idéologie est bien le mot approprié car cet eurofédéralisme repose sur des présupposés que les réalités ne confirment pas vraiment... Bien sûr, le politique a besoin d'imagination, voire de rêve, mais il faut, l'histoire nous l'enseigne, se méfier des utopies quand elles oublient les hommes ou veulent plier ceux-ci à des règles qu'ils refusent intimement parce qu'ils sentent qu'elles atteignent à leur être propre, à leur manière d'être au monde, à leurs libertés... mais aussi à leurs intérêts les plus élémentaires et qui ne sont pas que matériels !
Quelle est d'ailleurs l'Europe fédérale que souhaite madame Parisot ? Il ne s'agit évidemment ni d'une Europe fondée sur une culture qui serait commune ou, plutôt, dominante (il est difficile de définir véritablement une « culture commune » entre des nations, des peuples, des histoires aussi diverses que celles du continent européen), ni d'une Europe-puissance à la sauce gaullienne, éminemment politique, indépendante et souveraine face aux empires extérieurs...
L'Europe fédérale que veut la patronne des patrons est une Europe d'abord « patronale », c'est-à-dire au service de ses entreprises et d'une certaine idée de l'économie, bien loin de « l'esprit de Philadelphie » ou de la notion de « partage » chère aux chrétiens et rappelée récemment encore par le pape Benoït XVI dans l'encyclique « Caritas in veritate » . Je ne suis pas de ceux qui voient dans les patrons des sortes de diables avides de la sueur et du sang des ouvriers pour remplir leurs caisses, mais il faut bien reconnaître qu'une part non négligeable du grand patronat actuel ne réfléchit qu'en termes de coûts et de profits, ces dirigeants d'entreprises étant souvent prisonniers (victimes consentantes ?) et acteurs tout à la fois d'une logique actionnariale qui, par principe, repose sur l'idée de « gagner plus » sans se soucier des moyens employés à cette fin...
Cette Europe fédérale voulue par madame Parisot se conjugue avec l'idée d'une « gouvernance économique européenne » dont il est évident qu'elle s'émancipera (plus encore qu'aujourd'hui ce n'est le cas dans le cadre des institutions de l'Union européenne) des Etats et des peuples, de ces structures nationales qui, quels que soient leurs qualités et défauts respectifs, restent le moyen privilégié du dialogue civique et, si on le veut bien, l'utile bouclier social contre les abus des puissances de la finance et de l'industrie. Elle sera aussi la défaite d'une certaine conception du politique, celle-là même qui voulait que « la politique de la France ne se fait pas à la Corbeille » (c'est-à-dire à la Bourse), ni ailleurs qu'en France...
De plus, il est remarquable que l'Europe fédérale de madame Parisot accorde bien peu de place au « social », et en particulier au « syndical » : il est évident que l'Europe fédérale ne sera pas sociale, si elle est d'abord économique ou (et ?) patronale !
Il est fort possible qu'une partie de la résolution de la question sociale contemporaine passe aussi (mais pas seulement !) par le biais de l'Europe, de coopérations entre Etats de l'Union européenne (voire au-delà) et d'aménagements économiques, fiscaux et sociaux, mais il serait dangereux et vain de limiter la construction européenne à ce seul « fédéralisme » quand existent d'autres formules, en particulier confédérales, sans doute plus équilibrées et socialement justes...
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