Dans la situation difficile dans laquelle la France se trouve au regard de son endettement public, la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) propose avec un certain bon sens la réduction du nombre des députés nationaux de 577 à 300 en rappelant que la plupart des décisions législatives actuelles trouvent leur origine au niveau de l’Union européenne et du Parlement européen, ce que l’on peut d’ailleurs regretter. Cette réduction, si elle était avalisée par les autorités politiques, devrait être l’occasion d’un redécoupage des circonscriptions et il me semble que cela pourrait aussi être le bon moment pour en finir avec le département, création artificielle et administrative de la Révolution française qui avait été faite pour permettre une meilleure centralisation, en fait un véritable centralisme politique dont la France a encore du mal à se remettre… Mais réduire le nombre de députés pourrait aussi se conjuguer avec une baisse du nombre des sénateurs, mais une baisse moins marquée en proportion car il me semble que le Sénat pourrait jouer un rôle plus important dans les années à venir, comme celui d’une « Chambre des régions et des collectivités locales, politiques et socio-économiques » : n’est-ce pas une piste à creuser ?
Evidemment, cette proposition d’une réduction de leur nombre risque de déclencher les foudres des députés, attachés à leur siège respectif, et nous allons avoir droit à de beaux argumentaires de leur part sur « la proximité » (sic !) des élus avec leurs électeurs… Or, il faut rappeler quelques éléments simples : aujourd’hui et constitutionnellement, le « mandat impératif » n’existe pas et il a même été interdit dès les premières heures de l’Assemblée nationale, à l’été 1789, les députés étant désormais censés représenter, par leur assemblée même, la « volonté générale » ou « souveraineté nationale », forcément « une et indivisible » : cela signifie que les députés n’ont, en fait, aucune obligation envers leurs électeurs et qu’ils peuvent, cas extrême mais pas forcément rare, faire exactement l’inverse de ce que pour quoi, au regard de leurs promesses de campagne, ils ont été élus !
De ce fait, le nombre de députés n’a, en définitive, aucune importance dans le cadre d’une démocratie représentative et parlementaire, et ce nombre actuel de 577 est totalement arbitraire… Le diminuer aurait comme conséquence d’agrandir les circonscriptions mais pas forcément d’abaisser un peu plus les responsabilités des députés, celles-ci étant de moins en moins grandes dans le cadre européen et d’autant plus quand, aujourd’hui, les principales mesures « politiques » semblent se prendre au sein des agences de notation ou par les institutions de l’Union européenne, quand ce n’est pas seulement dans le cadre d’un partenariat (bancale, d’ailleurs) franco-allemand… Alain Madelin, ultra-libéral notoire et européiste non moins virulent, avait mis les pieds dans le plat il y a quelques années en expliquant son peu d’intérêt pour sa fonction de député au Palais-Bourbon par le fait qu’elle ne servait « à rien » ! Sans doute était-il un peu sévère et prenait-il son désir pour une réalité mais il n’avait pas complètement tort, c’est le moins que l’on puisse dire !
Concrètement, cette diminution du nombre de députés français permettrait une économie de presque 300 millions d’euros par an, selon les estimations de la CFTC : est-ce si négligeable que cela ?
Mais on pourrait demander aussi une baisse significative des revenus des députés français siégeant au Parlement européen : aujourd’hui, le seul salaire d’un eurodéputé est d’environ 8.000 euros, et une députée reconnaissait l’an dernier que la moitié lui suffirait bien, puisque, à côté de ce salaire, il y a de multiples indemnités de fonctionnement (assistants parlementaires, secrétaires, etc.) qui permettent (très) largement l’exercice des fonctions parlementaires à Bruxelles et Strasbourg…
Si le monde politique veut garder une certaine crédibilité, il doit aussi faire les mêmes efforts que ceux qu’il demande aux citoyens, sous peine de nourrir un ressentiment qui pourrait vite tourner à l’antiparlementarisme. Les mêmes efforts, voire un peu plus, pour donner l’exemple…
Pourquoi 300 ? On pourrait les ramener à un tout petit nombre, à l'instar des chefs de parti belges qui ne sont pas précisément dénués de pouvoir. Les chefs de parti français (enfin, si l'on ose dire) seraient élus à la proportionnelle nationale, au plus fort reste ; 100000 voix, une part de décision. Le chef qui aurait récolté 10 millions de voix pèserait 100 parts, et ainsi de suite. Ils se réuniraient dans une salle à manger et voteraient au dessert, au prorata de leurs parts. Bien entendu, ces agapes seraient précédées d'un apéro-négociation. Et ça couteraît moins cher que le Palais Bourbon.
Rédigé par : Pirée | 07 novembre 2011 à 18:37