Je n'ai aucune sympathie pour M. Berlusconi, mais les manifestations de joie à l'occasion de son départ m'ont parues maladroites et bien naïves ! Car M. Berlusconi n'est pas parti chassé par un vote démocratique ou par une colère populaire, mais bien plutôt par « la force des marchés » et les oukases d'une « Europe » de plus en plus allemande et de moins en moins européenne...
Cela signale plusieurs éléments dont je ne suis pas sûr que les joyeux drilles antiberlusconiens aient saisi tous les aspects ni toutes les conséquences : d'abord, leur propre impuissance à faire partir, légalement et électoralement, un homme qui avait été élu légalement et démocratiquement, selon les règles en place et les institutions du pays (que l'on peut critiquer, d'ailleurs). Ensuite, leur échec à le faire partir par la mobilisation, pourtant forte et démonstrative, de la rue, c'est-à-dire des syndicats, des partis et des simples citoyens choqués par les attitudes et les magouilles politiques du « Cavaliere ». Ce double échec, cette double impuissance devraient inquiéter sérieusement ceux qui se targuent de faire de la politique et qui croient que les « bonnes idées » (mais chacun voit midi à sa porte en ce domaine, n'est-ce pas ?) suffisent à changer de gouvernement en attendant de changer les choses...
Mais il y a sans doute plus grave encore : cette démission forcée, aussi bienvenue puisse-t-elle être pour de multiples raisons, apparaît comme le signe de la perte de souveraineté politique du pays : ce sont bien les « marchés » et « l'Union européenne » qui ont eu la peau du premier ministre italien, et eux seuls, et si j'ai mis des guillemets à l'Union européenne, c'est parce qu'il s'agit plus exactement de ceux qui, désormais, la dirigent sans beaucoup de discrétion ni de délicatesse, et en particulier l'Allemagne qui n'a jamais beaucoup apprécié l'Italie dans l'histoire, surtout quand elle en était l'alliée...
Les « marchés » et « l'Union » se substituent aux peuples pour désigner les gouvernements en zone euro, au mépris des règles démocratiques usuelles (que l'on peut, là encore, critiquer mais qui sont, pour l'heure, officiellement légales et opérationnelles), et les peuples apparaissent complètement écartés de ce processus : aucun des gouvernements tombés ce mois-ci ne l'est par la voie électorale ou démocratique locale ! Et les prochaines élections, qui devraient légitimer une parole gouvernementale et législative souveraine dans les pays concernés, n'auront aucun impact sur la politique suivie par le gouvernement né de ces élections, comme le rappellent à l'envi les institutions et les dirigeants de l'Union, qu'ils soient européens ou nationaux. Ces nouveaux élus n'auront d'autre choix que de suivre ce qui a été décidé ailleurs, à Bruxelles, à Francfort ou à Cannes, sous peine de sanctions et de... « démission » ! Ainsi, le choix électoral semble se résumer à désigner qui sera le prochain « gouverneur » chargé d'appliquer une politique que, ni lui ni ceux qui l'ont porté au pouvoir, n'ont voulu ni ne supportent en tant que telle !
La France est-elle à l'abri de cette « dépossession » de souveraineté ? Malheureusement, non !
Ainsi, dans les milieux socialistes mêmes, on craint désormais, et de façon de moins en moins discrète, que M. Hollande, s'il est élu, ne soit rien d'autre qu'un nouveau Papandréou, forcé aux mêmes renoncements et humiliations !
« La République nous a mis bien bas », soupirait un vieux Camelot du roi qui, pourtant, en avait vu bien d'autres depuis les années trente... C'est vrai, tristement vrai, et cela alors même que notre pays a d'immenses potentialités, intelligences et idées ! Encore faudrait-il un Etat digne de ce nom pour les exploiter, les épanouir et les transmettre. Lorsque l'on voit la médiocre qualité du débat présidentiel actuel, on peut douter que, de cette joute des « ego », sorte quelque solution que ce soit aux problèmes qui sont posés à la France et aux Français en ces heures-ci...
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