L’actuelle campagne présidentielle est l’occasion de revenir, au-delà de l’affrontement entre candidats partisans, sur ce qui fonde les raisons d’être royaliste et, surtout, de souhaiter une Monarchie royale pour la France : il ne s’agit pas là d’évoquer un programme monarchiste qui s’appliquerait à tout ou presque, au risque d’ailleurs d’être plus démagogique ou irréaliste que vraiment crédible, mais de mettre en valeur ce qui fait que la Monarchie, de par sa nature même, résout certaines questions que la République laisse en suspens ou contourne à défaut de pouvoir y répondre…
Effectivement, dans un monde de plus en plus mobile (mondialisation oblige…) et, par suite, souvent instable, réintroduire la continuité pour permettre d’inscrire l’action politique de l’Etat dans le nécessaire temps long des réformes et de leur complète application (ce que demandait avec insistance le philosophe Michel Serres il y a déjà quelques années), c’est dépasser, forcément, le temps court des législatures et des présidences, c’est faire du temps un allié et non plus un ennemi ou un obstacle. Puisque le mode électif ne permet pas une telle continuité, le meilleur (et le plus naturel) des moyens de la permettre, c’est de l’établir par la suite des générations, par la succession héréditaire, au risque de surprendre, voire de choquer si l’on n’explique pas les choses, nos contemporains habitués à la routine électorale présidentielle, à cette sorte de grande foire aux candidats et aux programmes qui se déroule désormais tous les 5 ans.
En fait, la succession héréditaire, si elle n’a pas que des avantages, en a sans doute plus, en particulier pour notre pays, que cette élection qui ne voit pas forcément « le meilleur », « le plus compétent » ou « le plus vertueux », l’emporter en fin de compte, mais le plus habile ou manœuvrier des politiciens, celui qui sait « se placer » près des grandes puissances financières ou partisanes du moment, et qui sait, dans la phase finale de la compétition, convaincre (avec des arguments parfois démagogiques, « la fin justifiant les moyens »…) la majorité des électeurs-souverains. Tandis que la « reine des élections » divise sur des critères politiques et personnels, particularistes ou individualistes, la transmission de la magistrature suprême de l’Etat par le simple « fait d’être né fils du roi » ne peut, en tant que telle, s’acheter et, du coup, elle bénéficie d’un avantage important car, au lieu de retrancher des compétences comme le fait la victoire d’un candidat sur un autre, elle peut surmonter les différences partisanes, écouter et s’adresser à chacun sans préjugé idéologique. Inscrite dans la durée naturelle de la vie des hommes, de la jeunesse à la vieillesse, y compris dans la joie comme dans la maladie, la Monarchie héréditaire est le symbole même de l’Histoire du pays, avec ses drames et ses gloires, ce qui signifie qu’elle est « inactuelle » parce qu’elle est, par essence, de tous les temps et qu’elle est le maillon institutionnel entre l’hier et le lendemain : l’Anglais Richard Frederick Dimbledy, cité par Stéphane Bern dans son ouvrage « La Monarchie dans tous ses états », explique que « lorsqu’on regarde la reine [Elisabeth II ], on voit en réalité le souverain qui, sous des visages différents, guide et garde nos affaires depuis neuf cents ans ». Ce que, d’ailleurs, le général de Gaulle reconnaissait au principe monarchique, y compris lorsqu’il s’incarnait dans un Prétendant et non plus dans un souverain régnant, et qu’il réaffirmait au comte de Paris (1908-1999) en lui écrivant cette lettre du 18 décembre 1957 : « Vous, vous êtes éternel. Moi, je ne suis que l’homme qui passe. Vous avez cet unique privilège d’être toujours là ». Ce trait d’union entre les temps et les traditions différentes est à la fois la garantie de la longue mémoire, mais aussi de la « possibilité d’oubli », au sortir des grandes crises politiques (ou religieuses, comme l’a montré le roi Henri IV avec l’édit de Nantes), cette possibilité parfois si importante pour recoudre le tissu national et dont le roi Louis XVIII a utilisé tous les ressorts au sortir de la période révolutionnaire et impériale, au risque d’apparaître parfois ingrat. C’est aussi ce qui a permis à l’Espagne, au sortir du régime autoritaire du général Franco, de ne pas replonger dans la guerre civile et d’amorcer son retour sur la scène géopolitique en Europe comme en Amérique hispanique, plus encore par la seule présence du roi que par l’activisme diplomatique que Juan Carlos laissait, politiquement et pratiquement, aux ministres des gouvernements successifs…
(à suivre)
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