Le temps du Carême a commencé mercredi sans que les médias, d'ordinaire si prolixe sur les questions religieuses, ne s'y intéressent vraiment. Pourtant, en cette période électorale, la démarche et la philosophie du Carême auraient pu susciter quelques réflexions chez nos politiques ou chez les penseurs, en particulier chez ceux qui cherchent une autre voie que celles, aujourd'hui dominantes, de la Société de consommation.
Au-delà de la foi catholique, évidemment indissociable du Carême en tant que tel, ce temps particulier marqué par le jeûne du mercredi des Cendres et du Vendredi saint est aussi un moment de remise en cause d'un mode de vie trop basé sur la possession et l'individualisme, consubstantiels à la Société de consommation : moins consommer, mieux partager, surtout en ces temps de crise, voilà qui n'est pas inutile !
Cela me semble d'autant plus important que nous savons que, alors que l'agriculture mondiale produit de quoi nourrir 12 milliards de personnes et que nous sommes 7 milliards sur la planète, il y a encore un bon milliard de personnes qui souffrent concrètement de la faim : cherchez l'erreur ! En fait, plus de 40 % de la nourriture disponible est détruite avant d'être consommée dans nos pays occidentaux et, comme le disait le fondateur de l'association « Slow Food » en décembre 2010 : « nos frigos sont des tombes alimentaires. » La question n'est donc pas de produire plus, mais de partager plus, et mieux ! Y penser au niveau le plus proche, personnel, familial, local, c'est déjà agir, concrètement.
Le Carême est ce moment où, comme le rappelle « La Croix » dans son édition du 22 février, il s'agit « de s'ouvrir aux besoins de tous ceux qui manquent de l'essentiel, qui ne savent pas de quoi demain sera fait. En Syrie, en Grèce..., en France aussi où les pauvres, souvent invisibles, paient cher le prix de la crise économique. » La lutte contre la pauvreté, cette pauvreté contrainte qui touche aujourd'hui près de 9 millions de nos compatriotes (souvent dans une indifférence teintée de mépris pour les plus faibles), ne doit pas être une « politique annexe » mais obliger à la mise en place d'un véritable mécanisme de solidarité sociale et, au-delà, à la fondation d'un « autre » ordre économique et social, différent du système (trop) libéral actuel.
Je connais l'argument comme quoi les politiques sociales ne seraient qu'un alibi à la paresse de ceux qui en « profitent », et je sais que certains, effectivement, abusent de ce qui devient alors de l'assistanat, véritable cancer de la juste assistance. Mais le danger serait de jeter le bébé avec l'eau du bain, comme dit la formule et de négliger la vraie misère sociale, bien réelle, et que je peux concrètement constater tous les jours en Région parisienne, aux Mureaux comme à Versailles !
De plus, lutter contre la pauvreté ne signifie pas renforcer la Société de consommation en y incluant encore de nouvelles populations mais, justement, penser aussi un autre rapport à la société que celui de la possession strictement individuelle ou du gaspillage organisé, conséquence de cette « obsolescence » elle aussi si bien organisée par les zélateurs du « Consommer toujours plus ». Là encore, le partage, l'entraide, voire le don sont des réponses de mieux en mieux adaptées aux enjeux contemporains de l'épuisement des ressources et des nécessités de la préservation du capital terrestre !
Qu'on le veuille ou non, les réponses aux problèmes soulevés par la Société de consommation, au-delà du Carême et des réponses spirituelles ou simplement sociales, passent par le « moyen politique » et l'instauration, pour ce qui est de la France, d'un Etat décidé à arbitrer entre les différents acteurs économiques et à éviter ces déséquilibres qui fragilisent la cohésion sociale au détriment des plus pauvres.
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