En janvier 2011, je signalais sur ce blogue la volonté de l’Allemagne d’imposer à tous les pays de la zone euro, au nom de l’harmonisation européenne, le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans : cette information, passée quasiment inaperçue dans la grande presse et peu diffusée dans l’Opinion publique, faisait sourire mes collègues lorsque je l’évoquais dans la salle des profs. Même accueil incrédule dans les rues de Paris quand, avec quelques militants du Groupe d’Action Royaliste, nous distribuions des tracts dénonçant cet oukase allemand, un samedi de février 2011 !
Et pourtant ! En quelques mois, plusieurs pays de l’UE ont adopté ce relèvement de l’âge minimal légal de départ à la retraite, de l’Espagne à la Pologne… Et, en cet été 2012, c’est au tour des Pays-Bas d’accéder à la demande allemande, comme l’évoquait « Les échos » le 12 juillet dernier : « Suivant l’exemple de nombre de ses partenaires européens, les Pays-Bas ont entériné une réforme historique du système de retraite prévoyant l’allongement de deux ans de la cessation légale d’activité. Fixé à 65 ans depuis 1957, l’âge de la retraite des Néerlandais passera à 66 ans en 2019 et à 67 ans en 2023, selon la loi que vient d’adopter le Parlement de La Haye. »
Cette réforme s’est d’ailleurs faite malgré l’opposition syndicale et, comme l’écrit le quotidien économique, « au mépris des traditions du « modèle des polders » », ce qui en dit long sur les méthodes employées pour faire passer cette loi de régression sociale…
Ce qui surprend, c’est le silence en France sur cette « harmonisation européenne » en cours qui se fait au détriment des salariés : les syndicats n’en disent rien et même les partis de Gauche semblent ne prêter aucune attention à ce processus qui, pourtant, risque de toucher bientôt notre pays, piégé par un jeu européen qui lui échappe, au moins sur le plan social. Car la question d’un relèvement de l’âge de la retraite finira, et sans doute plus vite que l’on croit (avant la fin du quinquennat de M. Hollande ?), par se poser dans notre pays, comme le prédit régulièrement la presse d’Outre-Rhin. Déjà, à lire et écouter les médias et les pages économiques françaises, ce relèvement paraît inéluctable et certains économistes parlent, à propos du départ à la retraite à 62 ans en France (l’actuelle réforme en cours, votée sous la présidence de M. Sarkozy) d’une « exception française » ou, même et plus violemment, d’une « aberration » !
Je ne méconnais pas l’élévation de l’espérance de vie dans notre pays, mais je rappelle que celle-ci reste très inégale selon les métiers et qu’un cadre ou qu’un enseignant a environ une dizaine d’années de plus d’espérance de vie qu’un ouvrier… D’autre part, l’espérance de vie « en bonne santé », elle, ne cesse de diminuer dans notre pays et elle est aujourd’hui de 62 ans. Là encore, ce chiffre varie si l’on regarde les professions et l’on retrouve la même inégalité que pour la simple espérance de vie. Ce sont des éléments que l’Etat et les économistes ne peuvent négliger.
Cela veut-il dire que je suis opposé à ce que l’on travaille jusqu’à 67 ans et même au-delà, si on le souhaite personnellement ? Bien sûr que non ! Mais je suis opposé à ce que cette limite soit « obligatoire » pour tous et qu’elle prive des personnes fatiguées, ou plutôt usées, dès l’entrée dans la soixantaine (voire avant : considérez les personnes qui travaillent en usine ou dans le bâtiment, par exemple), d’un repos bien mérité et d’un temps « pour soi » qui, pour autant, n’est pas forcément économiquement improductif !
Cette question des retraites n’est pas close, et il faudra trouver des pistes nouvelles pour leur financement si l’on ne veut pas voir disparaître cette forme de solidarité financière intergénérationnelle. Mais les réformes, à faire et à venir, ne doivent pas oublier de prendre en compte les facteurs sociaux et tout simplement humains.
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