M. Arnault est l’homme le plus riche de France mais il n’aime pas la France : c’est ainsi que l’on peut interpréter sa décision de demander au royaume de Belgique de lui accorder la nationalité belge… Et les propos de M. Fillon, ancien premier ministre de la République, apparaissent bien maladroits, voulant voir dans cette initiative de M. Arnault une conséquence de la politique fiscale de l’actuel gouvernement quand elle n’est qu’une preuve supplémentaire de l’avidité de certains, enivrés d’argent et incapables de s’en désintoxiquer !
En ces temps de mondialisation, qui est une forme « civile » (pour l’heure, en tout cas) de « guerre économique », la décision annoncée de M. Arnault n’est rien d’autre qu’un acte de trahison, quoique que l’on puisse penser par ailleurs du délire fiscal de M. Hollande et malgré que M. Arnault, inquiet des réactions récentes, déclare la main sur le cœur (là où il y a le portefeuille ?) qu’il a bien l’intention de payer ses impôts en France : mais les promesses de M. Arnault sont-elles crédibles, au regard de ses nombreux mensonges précédents, comme lorsqu’il quémandait jadis des aides de l’Etat pour spéculer sur des entreprises en difficulté et en licencier la plupart des salariés au mépris même des engagements pris ?
En tout cas, depuis samedi, c’est le bal des hypocrites : des ministres du gouvernement Ayrault font la morale au patron déserteur, alors même qu’ils participent de la même idéologie libérale et européiste que lui et qu’ils savent que leurs admonestations n’auront aucun effet car ils ne leur donneront aucune suite concrète. Certains, et parfois les mêmes, toujours à gauche, parlent de « patriotisme » pour rappeler les devoirs des chefs d’entreprise alors même qu’ils brocardent quotidiennement le « protectionnisme », et considèrent parfois que la France est « dépassée » et doit se fondre dans un grand « Tout mondial », au nom de la mondialisation « moderne et inéluctable »… Ce dernier reproche ne s’adresse évidemment pas à M. Montebourg qui n’a pas attendu les derniers jours pour prôner un patriotisme économique et social de bon aloi, et qui reste un chantre, plus modéré que du temps des primaires socialistes néanmoins, de la « démondialisation ».
Je suis sévère avec M. Arnault car je place la France avant l’argent et avant les intérêts particuliers, surtout financiers, mais je suis tout aussi sévère envers M. Hollande et son priapisme fiscal qui risque bien d’étouffer les forces vives de ce pays et de donner des arguments à ceux tentés de s’exiler dans des pays plus « accommodants » (sic !) sur le plan des impôts et des taxes… J’entendais ce lundi midi sur RMC un chef d’entreprise qui annonçait qu’il abandonnait purement et simplement la nationalité française et démontait une de ses usines en France pour échapper au fisc, arguant de charges trop lourdes pour maintenir son activité avec profit dans notre pays ! Quel gâchis !
En tout cas, dans cette affaire Arnault, la République montre ses limites et son incapacité à réagir efficacement : beaucoup d’agitation et de discours moralisateurs, et rien, concrètement, pour parer à l’initiative de M. Arnault…
On est bien loin de la réaction du roi Louis XIV face à Nicolas Fouquet, l’homme le plus riche et qui se voulait, à tort, le plus puissant du royaume, jadis bon serviteur de la monarchie mais enivré de ses succès au risque d’oublier le service de l’Etat : le roi le fit arrêter et confisqua ses biens, et marqua par là l’autorité du politique, au-delà des considérations purement économiques et des féodalités financières. Par cet acte « fondateur », Louis XIV annonçait que, désormais, en son royaume et sous sa monarchie absolue, l’Argent n’imposerait jamais son règne à l’Etat et à la France, ce que, sous la République, seul le général de Gaulle rappela par sa formule célèbre, « La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille ». Une leçon que nos gouvernants devraient méditer…
Mais cette République, coincée entre deux élections et tellement dépendante des jeux d’argent pour celles-ci, a oublié les pratiques monarchique et gaullienne et elle confond trop souvent le fait de gouverner avec celui de simplement gérer : le mot de « gouvernance », qui n’est qu’un terme d’économie, remplaçant le mot de « gouvernement » qui, lui, est de nature politique, montre bien l’abandon de la République à des forces qui la dépassent. M. Arnault peut faire ce qu’il veut, qu’a-t-il à craindre ?
On pourrait s’abandonner à ce fatalisme, mais on a le devoir d’y résister et de poser la question des institutions qui pourront mettre au pas ces princes de la Fortune vagabonde. Là encore, la réponse monarchique s’avère la plus efficace, contre la démesure de quelques « trop riches » qui ont oublié les devoirs sociaux que la richesse donne à ceux qui la possèdent envers les moins aisés de nos concitoyens, ne serait-ce que par le biais de l’impôt redistributif.
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