J’étais lundi soir à Paris pour manifester contre cette fameuse théorie du genre qui nie l’altérité sexuelle naturelle et que certains, au nom d’une idéologie égalitaire destructrice du réel, voudraient imposer dès la plus tendre enfance aux nouvelles générations, par le biais de l’école et, pour ceux qui ne comprendraient pas le message, par le Droit et la répression… Il y avait là quelques milliers de manifestants et, parmi eux, de nombreux amis, anciens et nouveaux, ceux des années « Génération Maurras » et ceux rencontrés au hasard des défilés de cette année 2013, voire lors des veilles ou des échauffourées des Invalides (entre autres) : des générations différentes, des parcours divers et des opinions ou des engagements parfois éloignés des miens, mais tous rassemblés autour de quelques refus simples et de quelques principes fermes sur la famille, sur les bases de la société, voire de la civilisation : en somme, « plutôt Antigone que Créon ! ». Les manifestations du printemps et leurs suites sous des formes variées ont créé de multiples liens et je connais quelques couples qui sont nés de ce printemps tourmenté, sur le bitume des parcours et dans les fumées des lacrymogènes : un baiser échangé devant une rangée de gardes casqués a sans doute une saveur toute particulière, et apparaît comme une réponse sentimentale, certes, mais heureuse et pacifique aux discours parfois violemment outranciers des amis de M. Valls et de Mme Taubira…
Ce lundi, je suis venu à la manifestation avec en tête les mots de cet assistant parlementaire socialiste qui prônait l’usage du canon, comme Bonaparte devant l’église Saint-Roch, contre les opposants au mariage homosexuel : ils me rappelaient les propos tout aussi incendiaires de M. Bergé qui expliquait sur la toile qu’il ne serait, en somme, pas fâché de voir une bombe dévaster les rangs des manifestants le 24 mars dernier… Ces quelques phrases qu’il n’est pas indécent de qualifier de haineuses me font mal : autant j’apprécie la polémique et le pamphlet, et je me souviens de l’empressement que j’avais, au début des années 90, à me procurer « L’Idiot international » de Jean-Edern Hallier dès sa parution pour y goûter l’alcool fort des diatribes de l’écrivain breton (on n’était jamais déçu, côté exagération et colère parfois fort juste, à la lecture du génial trublion…), autant je déteste cette haine poisseuse des puissants à l’égard de qui ne se plie pas à leur redoutable suzeraineté ! Je suis d’une tradition où la force du statut donne plus de devoirs qu’elle n’autorise d’insultes à l’égard d’autrui, et surtout des plus faibles : quand les puissants du jour, qui demain ne seront peut-être plus que des déshérités des médias et de la fortune du Pouvoir (que l’on médite le sort de MM. Dominique Strauss-Kahn et Cahuzac, hier si respectés, voire adulés, parce que craints…), méprisent et « assassinent » (virtuellement, heureusement) par le verbe gras de leur suffisance, j’ai tendance à élever, de colère, la voix, et à me révolter, éternel chouan du pavé (que l’on foule, bien sûr…) et du mot bien ajusté (enfin, autant que faire se peut…).
C’est cette arrogance verbale des partis au pouvoir et de leurs maîtres ou vassaux (et je compte là-dedans une certaine presse plus indigne que libre…) qui, aujourd’hui, est la plus grosse charge explosive dans notre pays, et non les agitations des manifestants du printemps, qu’ils soient opposants au mariage homosexuel ou ouvriers de Good-Year ou de Florange : une arrogance abritée derrière des grillages et des boucliers, et qui disparaît assez vite quand, par hasard, le réel s’invite à table ou lors d’une réunion des dirigeants du Parti socialiste, comme ce fut le cas il y a quelques mois à Paris, au grand dam d’un Moscovici désavoué publiquement par les salariés syndiqués de PSA-Aulnay…
L’arrogance est un triste défaut des oligarchies et, parfois, elles en meurent car elles ne savent plus écouter les bruits du dehors, de cette réalité qu’elles croient pouvoir éternellement acheter et subvertir avec quelques journaux ou chaînes de distraction massive : les socialistes et les libéraux qui, aujourd’hui, paradent dans les couloirs du Pouvoir parisien ou dans les bunkers de Bruxelles, feraient bien de ne pas oublier qu’il est des colères que l’on ne peut indéfiniment susciter et provoquer sans, qu’à un moment ou à un autre, elles ne renversent les certitudes bien établies et les tranquillités sécurisées à grands frais policiers.
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