Il y a onze ans, le Prestige, un pétrolier libérien battant pavillon du Bahamas avec un équipage roumain et philippin dirigé par des officiers grecs, avec 77.000 tonnes de fuel dans ses soutes, se brisait en mer après avoir dérivé durant six jours : 3.000 kilomètres de côtes françaises, espagnoles et portugaises allaient alors en souffrir les conséquences, et plusieurs centaines de milliers d’oiseaux, de dauphins, de phoques mourir, englués dans ce mazout visqueux qui s’échouait sur les plages de l’Europe atlantique. La mondialisation et la cupidité avaient encore conjointement frappé, au grand dam des habitants du littoral et de l’environnement…
Onze ans après la catastrophe, le tribunal espagnol chargé de juger l’affaire d’un « naufrage annoncé » (au regard de l’état du pétrolier et des avertissements émis par l’ancien capitaine du bateau qui avait, justement et prudemment, abandonné son poste de capitaine du Prestige trois mois avant le drame) a acquitté les trois accusés qui, à bien y regarder, paraissent être plus des lampistes que les véritables coupables de ce désastre : ceux qui auraient dû être jugés, c’est-à-dire l’armateur grec, l’affréteur russe, sans oublier la société de classification états-unienne qui a délivré le certificat d’aptitude à la navigation sans beaucoup de discernement, ne le seront jamais, semble-t-il…
Ce jugement est, lui aussi, une véritable catastrophe car il peut laisser croire que souiller les mers et les côtes n’est, après tout, pas si grave, en tout cas aux yeux de la Justice… Il est certain que ce verdict clément ne passera pas inaperçu chez les armateurs et dans les sociétés pétrolières !
La France se devrait de réagir et, non seulement de faire connaître son mécontentement face à ce jugement, mais de prendre des initiatives fortes pour éloigner les navires suspects de ses côtes, voire leur interdire l’entrée dans ses eaux territoriales, mais aussi pour accélérer la mise en place dans chaque pays de l’Union européenne, comme cela l’avait été évoqué au plus fort de l’émotion suscitée par la marée noire, de « ports refuges » susceptibles d’accueillir des navires en détresse et d’éviter qu’ils ne sombrent au large avec les conséquences que l’on sait. Mais, là encore, l’Union Européenne n’est guère motivée, freinée par les pressions des armateurs et de certains pays du sud de l’Europe, et tout simplement par sa propre logique libérale qui privilégie les affaires et le libre échange au souci environnemental…
A cette heure et à ma connaissance, le gouvernement de la République n’a pas officiellement réagi, ou pas assez fort pour qu’on l’entende… Tout un (triste) symbole !
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