Le feuilleton vaudevillesque qui s’est déroulé sous les yeux du monde entier et qui a mis en scène le président de la République, sa favorite officielle et sa maîtresse, a révélé bien des choses, et pas seulement sur la nature profonde d’un homme « dépourvu d’affect », selon des propos attribués à son ancienne compagne des années dernières : en fait, le plus intéressant est ce débat sur le rôle de première dame et sur sa nécessité ou son inutilité dans notre pays.
La manière dont les médias ont, d’une certaine façon, tissé le linceul de la première dame et, au-delà, de son rôle près du chef de l’Etat, rôle non officiel et pourtant loin d’être négligeable (pour le meilleur comme pour le pire, d’ailleurs…), de cette fonction qui n’est reconnue par aucun texte de la République, n’est pas une manière heureuse ni judicieuse. Pour une fois, je reconnais au publicitaire Jacques Séguéla une certaine raison quand il affirme dans Le Figaro du lundi 27 janvier que « On assassine la fonction de première dame de France dans un esprit « bonnet phrygien » alors que cette fonction apporte de l’imaginaire à la République. »
Je suis intimement persuadé que l’Etat a besoin d’une « figure annexe », d’un complément et d’un supplément d’âme que le chef de l’Etat ne peut incarner à lui seul dans la rudesse de sa fonction, et que la première dame apporte par ses attentions, ses sourires et sa présence active ou symbolique auprès des œuvres caritatives, entre autres : elle assure une sorte de régence symbolique en remplacement de la reine d’antan…
« Tous les grands pays du monde ont leur première dame ! Si les conjoints des premiers ministres espagnols ou britanniques sont inconnus, c’est qu’un roi ou une reine permet de développer l’imaginaire. », poursuit Séguéla : c’est en somme ce que disait, d’une autre manière, Régis Debray quand il écrivait « Il manque à la République une famille royale ».
En fait, tout le psychodrame des dernières semaines montre bien que la France ne se remet pas vraiment de ne plus, de ne pas être une monarchie : l’absence d’une famille qui incarne, au plus haut sommet symbolique de l’Etat, le pays et ses familles, créé une frustration profonde, sans doute inconsciente, et que la première dame, aujourd’hui femme ou favorite de président, tend (tendait ?) à apaiser un peu, comme l’a jadis prouvée Bernadette Chirac, femme peu commode mais qui tenait « son rang » et jouait un rôle d’ambassadrice informelle de la France qu’il faudra bien, un jour, étudier pour mieux l’expliquer.
La République souffre de n’avoir qu’un « homme-chef » à sa tête quand la monarchie, elle, avait une « famille-chef » dans laquelle la reine était une pièce maîtresse, à la fois femme et mère de roi, indispensable à la monarchie et à sa pérennité : « Pas de reine, alors pas de roi », expliquait souvent Vladimir Volkoff dans les rassemblements monarchistes auxquels il participait.
La reine n’était pas qu’une première dame, elle était l’avenir même de la famille royale qu’elle portait en son sein : elle n’était donc pas que la femme du chef de l’Etat mais la condition de l’inscription de l’Etat dans la longue durée, par les moyens les plus naturels qui soient, l’amour et l’enfantement…
Bien plus qu’une première dame présidentielle, la reine était la dame de France, parfois jusqu’au sacrifice suprême. Et si j’en parle ainsi au passé, c’est en espérant, demain, en reparler au présent…