La lecture du quotidien Ouest-France est un rituel auquel je ne déroge pas lorsque je suis à Rennes : j’ai souvenir que, depuis le plus jeune âge, ce journal était sur la table du petit déjeuner et qu’il inaugurait, d’une certaine manière, la journée, d’abord par les aventures de Lariflette (personnage disparu des colonnes du quotidien, tout comme Hagar Dunor, dont je ne certifie pas l’orthographe…), puis, à l’adolescence, par la rubrique politique locale, d’ailleurs fort fournie à l’époque, si j’en crois mes souvenirs. Régulièrement, d’ailleurs, paraissaient des communiqués des mouvements ou cercles royalistes, en particulier lors des événements estudiantins ou lycéens, et cela nous donnait un peu plus de visibilité et de crédibilité encore, alors que de nombreux murs de Rennes affichaient (bien malgré eux…) un royalisme de bon aloi…
Mardi matin, justement, alors que je dégustais un petit café au prix moins douloureux qu’en région parisienne, une information apparemment anodine a attiré mon regard : il s’agissait du refus par la société GDF-Suez d’un chèque en breton rédigée par une Lanestérienne nonagénaire, pourtant correspondant à la somme demandée. Le fournisseur d’énergie a d’ailleurs aggravé son cas en menaçant, lors d’un deuxième courrier, d’interrompre le service à cette cliente, bretonnante depuis sa naissance… Bien sûr, cette vieille dame, soutenue par des militants de la cause bretonne, n’a rien cédé, étant dans son bon droit : « Cliente du Crédit mutuel de Bretagne, qui propose des chéquiers en breton depuis 1982, Luce Loyant assure qu’elle rédige « tous [ses] chèques dans cette langue. Je n’ai jamais eu de problèmes ». Elle a fait part de son « incompréhension » à GDF-Suez. Car d’après le code monétaire et financier, la langue utilisée pour remplir un chèque doit être celle pré-imprimée sur le titre lui-même. Soit, en l’espèce, le breton. »
Une fois la presse alertée et l’article paru dans Ouest-France, dans son édition de mardi, il semble que les choses se soient vite débloquées et la société a reconnu son erreur, acceptant et débitant enfin le chèque de la cliente… Cela aurait-il été si rapide si le principal quotidien régional n’avait évoqué cette affaire ? Personnellement, j’en doute ! L’influence de ce journal et de son groupe de presse n’est pas négligeable (c’est le moins que l’on puisse dire), surtout au plan local et régional (et pas seulement pour la Bretagne), ici pour le meilleur, parfois pour le pire (surtout quand il s’agit de la question européenne, Ouest-France se voulant l’héritière de la très européiste démocratie-chrétienne), et montre que la presse écrite reste encore, en particulier dans les régions et leurs différents échelons, un vecteur important de la politique qu’il serait hasardeux de négliger même si, effectivement, elle ne joue peut-être plus le rôle de jadis quand elle était la première source d’informations, et pas seulement locales, pour les lecteurs du petit déjeuner ou du bistrot… Elle représente aussi, en tout cas, une information de proximité qui répond aux attentes de nombreuses personnes, pas forcément pour l’information elle-même ou les opinions du journal, mais pour cette proximité qui rassure et qui met en valeur les gens « locaux » eux-mêmes, toujours soucieux de voir si, quelque part, ils ne seraient pas les « héros du jour », y compris pour des événements qui peuvent paraître bien anodins au regard de la « grande actualité »… Un pays réel et local bien loin des atermoiements et des centres d’intérêt du pays légal parisien ou parisianiste !
Au-delà de cette anecdote que j’ai évoquée et des quelques commentaires que j’en fais (je reparlerai d’ailleurs de la langue bretonne d’ici peu, plongé que je suis dans la lecture d’un livre fort intéressant sur l’interdiction de celle-ci par la République en 1902 dans les églises), mais aussi des études et recherches que je fais actuellement sur l’histoire du royalisme en France, il y a, sans doute, dans la disparition de la presse régionale monarchiste en France en deux temps (qui correspondent aux deux guerres mondiales, mais pour des raisons différentes) une explication majeure de l’effacement du royalisme politique et populaire au XXe siècle. Un effacement qu’il n’est pas, néanmoins, impossible de surmonter, les nouvelles technologies aidant et les anciennes à ne pas négliger : vaste défi pour les royalistes du XXIe siècle !
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