Le pape François va publier dans deux semaines une encyclique sur l’écologie, six mois avant la conférence de Paris sur le climat, qui sera intitulé « Laudato si » (« Loué sois-tu »). C’est l’occasion pour le quotidien La Croix de consacrer quelques dossiers à l’épineuse question de l’environnement dans un monde qui s’en nourrit souvent sans apprécier vraiment les problèmes qui se posent quant à sa sauvegarde et sa pérennité. Cette initiative du journal catholique est bienvenue, mais elle intervient dans un contexte moins favorable à l’écologie qu’il y a quelques années : un quart des Français interrogés ces jours-ci avouent ne s’intéresser guère aux atteintes à l’environnement, et il est bien des pays, en particulier ceux dits « émergents » ou « en développement », où le désintérêt environnemental est encore plus grand, et plus inquiétant.
C’est aussi vrai pour les chrétiens comme le souligne l’éditorialiste Dominique Greiner quand il souligne « le scepticisme de certains fidèles pas tout à fait convaincus de l’urgence de la situation, méfiants à l’égard d’une cause écologique qu’ils jugent trop marquée politiquement, ou confiants dans le génie humain pour inventer des solutions techniques qui ne nous obligeront pas à remettre en cause nos modes de vie ». Justement, il me semble important de répondre à ces trois objections à la cause écologique, que je ne confonds pas avec ceux qui s’en revendiquent plus qu’ils ne s’y impliquent…
Premier point, l’urgence écologique : au regard des diverses pollutions que nous connaissons aujourd’hui (atmosphérique, fluviale, marine, terrestre, visuelle…) ; d’un réchauffement climatique qui n’est pas le seul effet des caprices du soleil et qui s’accélère sans que l’on en connaisse forcément bien tous les risques et toutes les conséquences ; d’une destruction des paysages et de leur artificialisation qui atteignent aussi les équilibres naturels ; de l’affaiblissement dramatique de la biodiversité (papillons, batraciens, poissons, etc.) ; oui, il y a urgence ! D’autre part, c’est maintenant qu’il est encore possible de préserver des espaces et des espèces aujourd’hui menacés, et non dans des décennies : car, que ferons-nous lorsque la forêt amazonienne sera si dévastée que la sécheresse progressera dans toute la région ou que les terres seront devenues, après quelques années de surexploitation agro-industrielle, infertiles ? Que ferons-nous quand, près de chez nous, il faudra aux exploitants agricoles employer des drones pollinisateurs pour remplacer les abeilles manquantes, tuées par les pesticides, et que notre consommation de miel devra tout aux Chinois ? Que ferons-nous, et que dirons-nous, quand les dernières zones humides de notre pays auront été sacrifiées pour permettre la construction d’un aéroport bientôt racheté par quelque pays asiatique ou de cités pavillonnaires sans âme destinées à des consommateurs déracinés ?
Deuxième point, la mauvaise image donnée à l’écologie par les « écologistes » ou prétendus tels : certes, le parti écologiste des Verts, par ses prises de position sociétales extrémistes et son intolérance conjuguées à un fonctionnement encore plus politicien que les vieux partis traditionnels, est plus répulsif qu’autre chose, et a détourné de nombreux citoyens de l’écologie véritable, surtout depuis la candidature d’Eva Joly en 2012. Mais il y a bien d’autres représentants et d’autres mouvements de l’écologie en France (et certains fort intéressants, même s’ils ne sont pas les plus connus ou médiatiques), et l’écologie ne peut se limiter à un parti, par principe même ! De plus, elle n’est pas, fondamentalement, « de gauche » et elle serait même plutôt née « à droite », et cela dès le XIXe siècle : qu’une certaine gauche s’en soit revendiquée après Mai 68, comme un moyen de contestation du Pouvoir en place et, parfois, comme « auxiliaire » du socialisme politicien, n’enlève rien à la nécessité de répondre, politiquement, à la question environnementale et de vouloir, non seulement une politique écologiste, mais, plus important encore, un Etat écologique.
Troisième point, la question de la Technique susceptible de surmonter les dégâts environnementaux : bien sûr, certains progrès techniques pourraient permettre de diminuer l’impact de la société de consommation (par exemple, des voitures moins polluantes, des machines moins énergivores, etc.) sur notre planète, mais il n’est pas certain que cela suffise et accorder trop de foi à la science serait faire preuve de peu de mémoire ! Car, depuis que l’industrialisation a surgi et que la société de consommation est son débouché « naturel », au moins logique, que constate-t-on ? Que l’état de la planète ne cesse d’empirer, au nom même du « développement » des pays « retardataires » (sic), et de ce « consommatorisme » qui tient lieu de gouvernail aux économistes et aux multinationales : la vieille formule « Science sans conscience est ruine de l’âme » se vérifie tous les jours, et peut être utilement complétée par « ruine de la Terre » ! Est-ce une fatalité ? Si l’on poursuit sur la ligne d’une société de consommation qui prône l’individualisme et favorise le matérialisme, oui ! Si l’on pense que la Terre est, par la simple force des choses, limitée et fragile, et qu’il s’agit de prendre soin de cette richesse naturelle dont nous héritons pour la remettre plus tard en bon état à nos successeurs, non, mille fois non !
N’est-ce pas, en fait, le message que délivrera le pape dans quelques jours, rejoignant en cela la conception traditionniste d’une écologie qui se doit d’être enracinée et, en France, incarnée par un Etat « durable » qui vit au rythme des générations qui se succèdent et sans en oublier aucune ?
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