Cet été qui n'est pas encore achevé fut celui des révélations et de la fin des illusions européennes, comme le souligne avec force Jean-Pierre Chevènement dans le dernier numéro de Marianne, et c'est la Grèce qui a supporté, mal et bien malgré elle, le poids de celles-ci : le revirement de M. Tsipras, salué comme une « victoire du bon sens » par les gouvernements européens (en particulier par l'ancien trostkiste Michel Sapin, actuel ministre français des finances), ce qui en dit long sur le cynisme ou l'aveuglement des oligarchies contemporaines, n'a pas sauvé la Grèce et encore moins les travailleurs et retraités grecs. Il a juste permis aux États de la zone euro de « sauver leur mise » et, surtout, montré le caractère « obligatoire » (dictatorial, diraient certains...) d'une Europe plus mondialisée qu'européenne, c'est-à-dire d'une Europe dans laquelle aucune alternative au libéralisme économique n'est autorisée, ni « socialiste » ni sociale tout simplement : « l'Europe sociale n'aura pas lieu », pourrait-on dire aujourd'hui sans trop de crainte d'être démenti, malheureusement d'ailleurs, par les réalités.
Dans une crise, il y a certes des perdants, et nous les reconnaissons : les Grecs et, plus généralement, les peuples au sens large mais aussi et surtout au sens des classes populaires. Il y en aura d'autres dans les temps qui viennent, et la sévérité de l'Union européenne et de l'Allemagne pourra sans doute trouver à s'exprimer à l'égard de la France en 2017, pendant et, surtout, après l'élection présidentielle : nous en reparlerons ! Mais il y a aussi des gagnants : est-ce l'Allemagne, par exemple, qui a imposé son « ordolibéralisme » et menace toujours de mettre la Grèce hors de la zone euro, alors même que rien ne l'y autorise dans les traités ? Sans doute, en fait : les privatisations qui reprennent en Grèce ces jours-ci après six mois de suspension semblent bien le confirmer, avec l'achat, pour un prix fort intéressant (voire mieux encore...), de quatorze aéroports de Grèce (sur trente-neuf), mais aussi avec les 100 milliards d'économies budgétaires évoquées par Joseph Macé-Scaron dans son éditorial de Marianne (édition du 14 au 20 août 2015), citant une étude de l'Institut Leibniz d'études et de recherches économiques, publiée le 10 août... « En effet, la peur du « Grexit » a précipité les investisseurs vers ce qu'ils considèrent comme le plus sûr : les obligations de l’État allemand. Ce faisant, les taux d'intérêt réels auxquels l'Allemagne emprunte sont inférieurs à 0 %. Voilà pourquoi « ces économies dépassent le coût engendré par la crise, et ce même si la Grèce ne remboursait pas entièrement sa dette, commentent les économistes. L'Allemagne a donc dans tous les cas profité de la crise grecque. » ».
Mais cette victoire allemande pourrait bien se retourner contre elle : en effet, le FMI, contributeur important au prochain plan de sauvetage de la Grèce, demande instamment à l'Allemagne et aux autres pays de la zone euro de considérer sérieusement une forte réduction de la dette grecque, sous peine de ne pas participer lui-même au plan prévu... Ce bras de fer entre le FMI et principalement l'Allemagne montre bien les limites d'un système devenu fou, qui ne sait plus comment arrêter la folle mécanique de l'endettement des sociétés inscrites dans une mondialisation qui prend la tournure d'une guerre économique de tous contre tous !
Tout le monde sait que la Grèce ne pourra rembourser une dette qui continue de se creuser un peu plus chaque jour, et que le troisième plan d'aide a peu de chances de succès, à l'image et à la suite des deux précédents, ce que souligne Le Monde dans son édition du mardi 18 août, mais qu'importe, semblent dire les institutions et les gouvernements de l'Union, pourvu que l'on fasse définitivement passer à la Grèce l'envie de résister aux oukases de cette Europe punitive qui a, pourtant, échoué à tenir ses promesses économiques des années 1990-2000, et que l'on fasse bien passer le message à tous ceux qui pouvaient espérer un autre destin que celui de cette Europe-là ! « La Grèce paiera ! », continuent de clamer les plus fervents des européistes, furieux des résistances de plus en plus fortes des classes populaires de l'Europe réelle. Mais l'avenir risque bien de ne pas exactement confirmer ce pronostic martelé avec tant de vigueur...
Le système financier et économique de la zone euro est dans une impasse : il est plus que temps de repenser l'économie, non plus sur les seuls principes de l'individualisme et du profit démesuré, du libre Marché et de la concurrence sauvage, mais sur ceux de la dignité des personnes et du Bien commun. En somme, civiliser l'économie pour la sortir de son ensauvagement contemporain et nous en préserver ! Rude et vaste tâche...
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