L'agriculture n'est pas que nourricière : elle fournit aussi de quoi se vêtir, se chauffer, bâtir des maisons ou les aménager, rouler, etc. La France, de par sa diversité même de milieux et de sols, d'espèces animales et de productions végétales, peut tout, ou presque, envisager à partir de son agriculture ! Et pourtant, aujourd'hui, nombre d'exploitants agricoles souffrent, endettés et surchargés de travail, produisant parfois à perte et, pour certains, finissant par se suicider pour échapper au piège mortel des créanciers... Intolérable et paradoxale situation !
Pourquoi en sommes-nous là ? Est-ce la faute des agriculteurs ? Celle des banques ? Des consommateurs, même ? Ou, plus largement, la faute d'un système agricole ? Celle d'un système économique, voire d'un modèle de société ou, même, d'une « civilisation » ?
Les torts sont sans doute partagés, mais pas de façon équivalente, et il faut rappeler que notre société de consommation, par son principe même du « Consommer pour produire », a entraîné le monde agricole sur une pente dangereuse et, à terme, mortelle pour les producteurs eux-mêmes, en particulier les plus faibles ou les moins aisés, en tout cas pour tous ceux qui sont entrés dans le système du Marché libre-échangiste et se trouvent en concurrence avec tous les autres agriculteurs du monde, avec le risque de ne jamais être assez compétitifs pour proposer les prix les plus bas... Car cette société de consommation pense en termes de quantité beaucoup plus qu'en termes de qualité, et l'exploitant agricole n'est plus, dans ce système, qu'un maillon dans la chaîne agro-industrielle, et, de plus en plus, un maillon faible.
C'est donc à un travail de reconquête de sa propre identité et fonction que l'agriculteur doit s'atteler s'il veut, tout simplement, continuer d'exister et vivre de son travail : cela implique de rompre avec la logique du Marché et de tous ses principes et « contreforts », et de renouer avec une agriculture à taille humaine, moins énergivore et plus « naturelle », moins mondialisée et plus locale, moins mécanisée et plus enracinée, moins quantitative et plus qualitative...
Bien sûr, ce programme paraît idéal mais il n'est pas forcément évident à réaliser, et il y faudra l'impulsion et l'aide de l’État pour refaire de l'agriculture, non plus une simple activité économique mais une véritable politique d'aménagement du territoire et un cadre de vie. Quelques uns ont déjà ouvert (ou repris) des voies vers une agriculture paysanne (au sens noble du terme), et ces initiatives doivent être saluées et assurées, plus encore par les consommateurs que par l’État, qui se doit d'être protecteur mais pas « providence ». Le chemin est long et sans doute fort escarpé, mais il doit être pris si l'on veut éviter les impasses du productivisme et du consommatorisme...
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