L'affaire Fillon est une mauvaise nouvelle pour la République, sans doute, mais elle n'en est pas meilleure pour la Droite catholique qui avait placé beaucoup d'espoirs dans un candidat qui se revendiquait ouvertement chrétien, au grand dam d'un Bayrou qui, longtemps pourtant, n'en faisait pas mystère pour lui-même. Aujourd'hui, à entendre les réactions dans les cafés et sur le marché de Versailles, M. Fillon est désormais désavoué par ceux qui, hier, l'avaient porté en tête lors de la primaire de la Droite et du Centre. Les mots employés à son égard sont durs, voire cruels, et parfois injustes, et, personnellement, sauf nouveau retournement, je vois mal comment M. Fillon pourrait aborder l'élection dans les meilleures dispositions et avec l'espérance d'accéder au second tour.
Ainsi, les grands perdants de ce feuilleton tragique sont les catholiques de droite dont la cause et les arguments semblent désormais touchés par l'opprobre publique qui frappe le vainqueur de la primaire de la Droite et du Centre. Le coup est rude et certains croient y voir la main de la franc-maçonnerie anticléricale, accusée de préférer M. Macron et, chez les Républicains, M. Baroin, celui qui n'aime guère les crèches de Noël. Sans doute l'occasion a-t-elle fait les larrons, mais se réfugier dans une théorie du complot (qu'il est possible de ne pas totalement rejeter) n'est qu'une stratégie de pis-aller peu propice à saisir les véritables raisons du désamour électoral à l’égard de M. Fillon. Car ce qui a plus sûrement discrédité M. Fillon, c'est son rapport à l'argent et son apparente incapacité à comprendre la démesure des salaires versés (légalement) à ses proches au regard de ceux des fonctionnaires qu'il n'a cessé de poursuivre de ses diatribes libérales : car, il faut être bien clair, le travail (et je ne me prononce pas sur sa réalité) demandé à Mme Fillon et à ses enfants mérite-t-il le double, voire le triple du salaire d'un professeur ? J'en doute, car, si j'en crois les déclarations des uns et des autres sur les activités des attachés ou assistants parlementaires, mais aussi les propos mêmes de la mise en cause, peu loquace sur ses fonctions comme sur leur mise en pratique, il est rarement rétribué à une telle hauteur financière...
Il aurait été préférable que M. Fillon puisse dérouler son programme jusqu'au bout et qu'il soit véritablement apprécié ou sanctionné sur celui-ci, mais cela n'est pas, et ne sera plus le cas, quoique le candidat fasse ou dise : il est des affaires et des symboles qui vous collent à la peau comme le sparadrap du capitaine Haddock.
Quant aux catholiques de droite qui avaient largement soutenu le candidat Fillon et son programme politique (plus, sans doute, que son programme économique), les voici orphelins et désorientés, voire dégoûtés : François Fillon n'était pas Albert de Mun, et leur engagement est bien mal récompensé... Est-ce leur « dépolitisation » qui est au bout de cette montée au calvaire, et, peut-être, un nouveau repli amer sur leur communauté et sur leurs paroisses, au risque de ne plus peser du tout (au moins sur le terrain parlementaire et ministériel) sur les débats politiques et face aux décisions prises par le Pouvoir sur les questions sociétales ? C’est possible, mais cela pourrait, néanmoins et a contrario, redonner de la vigueur aux mouvements alternatifs comme La Manif pour Tous et les Veilleurs, ainsi qu'aux groupes extraparlementaires et, éventuellement, monarchistes, prêts à accueillir les catholiques déçus d'une République qui, décidément, ne leur est pas accueillante...
Une affaire à suivre, là aussi : la messe n’est pas dite, tout compte fait…
La messe est — heureusement ; malheureusement — loin d’être dite. Il semble peu probable que M. Fillon soit mis en examen. Dès lors, il reste le seul et unique candidat de son parti, avec malgré tout de bonnes chances de l’emporter. Pour deux raisons différentes, l’une interne, l’autre externe.
Tout d’abord, même déçu, désabusé, son assise électorale lui reste fidèle. À en croire les sondages, quatre-vingts pourcent de ceux qui déclarent voter pour lui disent aussi qu’ils sont sûr de leur choix et n’en changeront pas. Il n’y a que les partisans de Mme Le Pen qui atteignent un tel score. Autrement dit, dans l’état actuel, Monsieur Fillon a une base solide représentant à peu près seize pourcents de l’électorat. Ajoutons qu’il est par excellence le candidat des personnes âgées, ainsi que le montre sa victoire à la primaire. Or cette frange de la population vote en masse. Ce qui n’est pas le cas d’autres frange, par exemple les jeunes (pour parler sommairement).
L’autre raison, tient aux autres candidats. La gauche aligne deux candidats et demi, qui vont se saborder mutuellement.
Ainsi, le scénario d’un François Fillon au second tour de l’élection présidentielle a certes perdu en évidence, mais reste une hypothèse diablement solide. Même s’il reste vrai qu’en dix semaines tout peut basculer, il est utile de se rappeler que Chirac l’avait emporté face à Jospin alors même qu’il était empêtré dans des affaires et violemment attaqué à ce sujet.
Reste la question des catholiques de droite. Tout d’abord, il faut se débarrasser de cette analyse rapide et fausse selon laquelle ces derniers ont été le moteur de la victoire de M. Fillon lors de la primaire de la droite et du centre. Les analyses du vote montrent que les électeurs de M. Fillon étaient avant tout les retraités et les personnes âgées. On comprend bien pourquoi. D’une part il était le candidat le plus réfléchi, et le plus ambitieux sur la réduction des déficits publics. Or, le financement des retraites dépend hautement de la solvabilité de l’État et d’une inflation faible. Deux fait qui se tiennent main dans la main actuellement. En effet, en conséquence des règles autour de l’Euro, l’inflation est condamnée à rester faible — ce qui favorise les plus vieux dans la société — du moins tant que la France reste dans l’Euro. Si elle en sort, il y a fort à parier, même si c’est discutable, que l’État en faillite cesse de payer une partie des retraites, et qu’il génère de l’inflation en tentant de payer sa dette.
Le conservatisme politique et moral, teinté de christianisme, de M. Fillon agissait comme un plus, une raison supplémentaire de le préférer à ses rivaux. Et il s’agissait plus là de conservatisme que de christianisme. Le socle électoral de M. Fillon a un tropisme vers le conservatisme.
Il est donc faux de dire qu’il est candidat des catholiques, porté par eux. Même s’il est vrai, que certains mouvements d’obédiences catholiques se sont reconnus en lui et le soutiennent.
Cela aurait pu être la base d’un retour en politique d’une pensée catholique, ou plus exactement catholicisante. Car les catholiques français forment une famille d’une grande diversité.
Las, l’affaire actuelle si peu de temps après ce retour en grâce va sans doute à nouveau condamner les catholiques de droite à l’obscurité. Il ne fait pas bon en France de se réclamer du catholicisme (ou d’une autre religion) : aussitôt les attentes deviennent presque surhumaine. Le croyant doit être un saint, ou il n’est qu’un hypocrite, un menteur qui devrait abandonner sa foi et revenir dans le monde des faillibles mortels.
Il est probable que l’on en vienne à une dispersion des énergies accumulées et réveillées par les mouvements comme la Manif pour Tous ou les Veilleurs. C’est bien dommage, car une parole chrétienne en république serait une alternative intéressante.
Contrairement à vous, je pense que l’on risque l’évaporation des catholiques de droites, plus que leur dispersion vers d’autres mouvements et engagements.
Reste un dernier point malheureusement peu évoqué. Cette affaire montre à nouveau l’incapacité d’une organisation à se modérer en autonomie. M. Fillon paye pour des années d’excès et de pratiques sédimentées dans les deux assemblées. Car il n’est pas le seul, et sans doute pas celui qui a le plus joué. Il paye pour tous les autres. Mais cela pourrait être l’occasion d’une réflexion sur les sommes versées aux parlementaires, leurs justifications, leurs contrôles. Il s’avère que depuis quelques années, suite à des pressions de la presse et de la société civile, des progrès étaient faits en la matière. Il est bien dommage que l’on ne réfléchisse pas plus à ce fond du débat, plutôt que d’entendre des ratiocinations sur un éventuel abandon de campagne.
J’espère que vous saurez pardonner les fautes — résiduelles je l’espère — d’orthographe. Il n’est pas séant de continuer à blesser vos yeux de professeurs qui ont déjà tant à endurer.
Rédigé par : Silius Italicus | 13 février 2017 à 22:36