Dans le cadre de la Nouvelle enquête sur la Monarchie que j'essaye de mener malgré une actualité prenante et un peu obsédante qui nous prive de bons et vigoureux débats d'idées, voici ci-dessous une brève réflexion sur l'élection présidentielle et cette « révolution par le haut » que j'appelle de mes vœux, en bon royaliste conséquent et soucieux de l'intérêt d'une France aujourd'hui « proie » d'intérêts qui ne sont pas les siens...
L'actuelle campagne présidentielle est-elle un désastre démocratique, comme le suggèrent quelques commentateurs, en particulier étrangers ? Il est vrai que le spectacle donné par la classe politique et celle des discoureurs (« la classe discutante » évoquée par Weber) n'est guère susceptible de motiver nos concitoyens à s'engager en politique, et qu'il aurait plutôt pour effet de les détourner des urnes alors qu'ils sont censés être les souverains en République...
Et si c'était la logique démocratique elle-même qui expliquait ce désordre politique en opposant les uns et les autres dans la conquête de la magistrature suprême de l’État, celle-ci devenant la proie de toutes les ambitions et de toutes les coteries qui se parent du nom de partis quand elles ne sont, souvent, que clans ? Ce n'est pas la première fois qu'une élection présidentielle ressemble à un combat de coqs et que l'image de la politique en sort dégradée, tandis que l’État en ressort, sinon affaibli, du moins prisonnier des promesses (mais ces dernières n'engagent que ceux qui y croient, ce que M. Hollande a prouvé avec une belle constance en sa présidence) et, encore plus exactement, des parentèles idéologiques (mais aussi financières et économiques) et des clientèles électorales à l'approche du scrutin. Mais il est vrai que, cette fois-ci, la campagne apparaît particulièrement agitée et, même, crapoteuse : les affaires judiciaires qui remontent à la surface ou qui sont opportunément dévoilées ont fait oublier les vrais débats politiques et économiques, mais empêchent aussi de dresser le bilan du quinquennat qui est en train de s'achever dans le désordre civil et l'apathie gouvernementale. Et c'est, comble de l'ironie, un ancien ministre de l'économie de M. Hollande qui est, à l'heure à laquelle j'écris et avec les précautions d'usage, en position de favori pour devenir le prochain locataire de l’Élysée...
Devant une telle situation, doit-on se réfugier dans le rêve d'une Sixième République qui, d'un coup, serait enfin la République parfaite et idéale dans laquelle les citoyens seraient vraiment les souverains que les grands discours des doctrinaires et des débuts de la République annonçaient ? A bien y regarder, cette nouvelle République ne serait, en définitive, que le retour au parlementarisme débridé des Troisième et Quatrième Républiques, avec un zeste de référendums locaux, si l'on en croit MM. Hamon et Mélenchon : rien de bien rassurant ni vraiment efficace, et la Sixième promise risque bien de n'être qu'une République de plus, quand la France en a déjà éprouvé cinq et de multiples constitutions sans résoudre l'équation politique d'un État solide et pérenne au sommet et de pouvoirs multiples et concrets à la base et dans les différents étages de la construction nationale française.
Malgré les tentatives de la sauver, la réformer ou la repenser, la République (en tant qu'institutions) arrive-t-elle en fin de cycle, puisqu'elle semble à bout de souffle ? C'est possible et pourquoi ne pas en accepter l'augure, mais il ne sert à rien de se plaindre de ses effets si l'on ne propose rien qui la remplace efficacement et durablement... Ce n'est pas d'un programme électoral de plus dont notre pays a besoin, mais bien de nouvelles institutions et d'un nouveau régime, d'un État digne de ce nom, de notre histoire et des nécessités non seulement françaises, mais aussi européennes et mondiales, la France ayant vocation à être présente, encore et toujours, sur la scène internationale comme une puissance à la fois affirmée et médiatrice, et non repliée sur elle-même.
Ce nouveau régime nécessaire n'est pas l'ancien régime, et, s'il veut rompre avec les mauvaises habitudes de l'actuel et les principes qui le guident, il ne s'agit pas pour autant de « faire table rase du passé » et d'oublier tout ce qui a été depuis que la Monarchie n'est plus : au contraire, la Monarchie, qui a pour ambition de renouer un fil hier tranché, doit assumer tout le passé de la nation, ses passions comme ses raisons, et en tirer profit, pour une nouvelle synthèse française et cet avenir que « tout esprit bien né souhaite à sa patrie », selon la formule consacrée. Cela ne signifie pas, pour autant, qu'elle renonce à ce qu'elle est, profondément, politiquement comme spirituellement, mais au contraire qu'elle dépasse les conflits anciens pour mieux incarner l'arbitrage suprême dans un pays aujourd'hui divisé, voire déchiré, par les luttes idéologiques et les incompréhensions, ni tolérables ni tolérantes... C'est par le haut qu'il est possible de sortir du piège des carcans et des idées reçues, de ces antagonismes qui, pour certains d'entre eux, n'existent que parce que « la première place » est toujours à prendre en République alors qu'il s'agirait, pourtant et d'abord, de servir le pays et ses habitants, personnes civiques comme familles constituées...
La « révolution par le haut » pour laquelle Maurras, en ses heures les meilleures, militait ardemment, n'est pas exactement royaliste (le royalisme n'étant qu'un parti-pris, aussi honorable soit-il), mais elle est, par nature et de statut, éminemment et politiquement royale.
(à suivre : la révolution royale ; la Monarchie n'est pas un parti.)
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