Ce lundi devrait marquer la fin du gouvernement Bayrou, fin qui ouvre (encore) une période d’incertitude et d’inquiétude pour la France et les Français. Mais M. Bayrou a tout fait (ou presque) pour aller à l’échec, alors même que les colères semblent, pour partie, se cristalliser autour de la date du 10 septembre…
Les symboles pèsent lourd en politique, même s’ils ne suffisent pas à l’expliquer ni à la faire : la volonté, jamais complètement démentie (car laissée à la possibilité de la discussion entre le Pouvoir et les acteurs sociaux), de supprimer deux jours fériés dès l’année prochaine a cristallisé toutes les oppositions et révulsé une immense majorité des Français (84 % selon un sondage paru le 25 août), d’autant plus qu’elle affectait en priorité ceux qui travaillent. Or, le principe suprême, peu respecté d’ailleurs à partir de 1791 en France jusqu’aux années de l’après-guerre au moins, c’est bien que « toute peine mérite salaire », du moins dans le cadre de l’activité professionnelle de production, d’échange ou de service. Que ce salaire puisse être taxé pour être ensuite, par cette part fiscalement prélevée, redistribué dans le cadre de la solidarité nationale (qui a remplacé les anciennes solidarités professionnelles des corporations supprimées par le décret d’Allarde en mars 1791) est aussi dans la logique des choses et d’une société bien ordonnée et équitable (sans l’assurance qu’elle le soit effectivement, selon les moments, les règles et les lois, et les rapports de domination et de travail dans la société et, ici, dans le cadre du système capitaliste…). Mais cette participation du travail au financement des systèmes d’assistance et de prévention doit s’inscrire dans une logique de justice sociale et non de simple comptabilité : faire peser sur les ouvriers, les artisans, les employés et tant d’autres travailleurs, une charge supplémentaire quand, dans le même temps, une part de ce qu’ils produisent risque de finir, de façon inconsidérée, entre les mains de quelques actionnaires spéculateurs (tous ne le sont pas, heureusement) ou de quelques assistés qui profitent des efforts des entreprises et des travailleurs pour financer leur propre désengagement professionnel (certains utiliseraient le terme de paresse quand d’autres évoqueraient celui de parasitisme…), cela n’est ni juste, ni acceptable, et il faut le dire, le redire et en tirer quelques conséquences. Or, par cette suppression de deux jours fériés que M. Bayrou envisageait pour trouver quelques milliards (évalués, dans ce cas précis, à quatre, sans prendre en compte ceux qui seraient perdus pour les commerces et les travailleurs des jours fériés…), il montrait aussi qu’il n’a pas compris que, dans notre pays, ce qui compte sans doute le plus (si l’on en croit les sondages effectués sur ce sujet), c’est le temps (qualifié ici de libre, car ne dépendant pas d’un employeur) et non l’argent, c’est la disponibilité du temps pour se l’approprier (3), pour travailler mais d’abord pour soi et non pour un salaire versé par une entreprise ou une administration et taxé par l’État…
La journée du mercredi 10 septembre a donc quelques bonnes raisons de trouver un certain écho dans la population (et il faut au moins entendre cela, sans préjuger du succès de cette initiative), mais il semble que le lundi précédent aura, en définitive, des conséquences bien plus importantes sur la situation du pays et pour son paysage politique et gouvernemental. Il importe d’être attentif à l’une et à l’autre, mais aussi d’avancer quelques propositions pour sortir de l’impasse politique et institutionnelle créée par M. Macron lui-même en juin 2024 : si les royalistes peuvent soutenir quelques unes des revendications du 10 septembre, ils ne se contentent pas de cette initiative et sont attentifs à toutes les causes du pays réel, non par facilité revendicative mais bien plutôt par volonté de service et de justice sociale, qui ne peut s’inscrire, logiquement, que dans un cadre politique national préservé et avec un État rigoureux sur les finances publiques et capable de s’imposer aux féodalités internes comme externes. A la crise de la dette et à celle de confiance des citoyens envers les institutions, la réponse ne peut être que politique, sans être républicaine…
(à suivre)
Notes :
(3) : En fait, cette appropriation du temps par les travailleurs peut se comprendre aussi comme une volonté de faire autre chose, et c’est la source non négligeable d’un travail de proximité (la réfection d’une maison, l’entretien et l’exploitation d’un potager, le bénévolat, etc.) extrêmement utile dans nos territoires et pour leur aménagement. C’est aussi pour cela que ces deux jours fériés peuvent aussi être considérés comme une forme de respiration nécessaire, d’autant plus qu’ils sont situés en période printanière, moment où les travaux de jardinage et de bricolage paraissent les plus nécessaires et productifs… Ce qui peut paraître bien anodin pour les économistes ne l’est pas pour les classes populaires et périphériques, et il est toujours dangereux pour le pays légal, beaucoup plus citadin et métropolitain, d’ignorer cette aspiration au travail pour soi, travail non rémunéré (financièrement parlant) mais source forte de motivation et de satisfaction pour nombre de nos concitoyens.