L’actuelle campagne présidentielle est-elle utile ? Au regard des outrances de certains médias et de leurs obsessions sur certaine personnalité pas encore officiellement candidate à ce jour, il ne serait pas illégitime de se poser cette question. Et pourtant ! Que le thème de la définition même de la nation française soit abordé ; qu’il alimente visiblement plus de craintes que de discussions posées et argumentées de la part d’un « pays légal » qui semble aux abois ; que la question sociale, qui est à mes yeux aussi déterminante que la question nationale et le souci environnemental, puisse être un élément des prochaines confrontations ; etc. Tout cela mérite l’intérêt, plus que les histoires d’ego et les querelles d’appareil, et il faudra bien que la campagne présidentielle apporte quelques pistes de réflexion et de réponses à ces différentes problématiques aujourd’hui parfois cachées par « le bruit et la fureur » autour du polémiste Zemmour. Ce dernier a eu l’immense mérite de bousculer le programme établi d’une présidentielle qui, depuis plus de quatre ans, nous était annoncée comme la vaine revanche du second tour de 2017, comme si rien n’avait changé depuis tout ce temps. Les Gilets jaunes de l’hiver 2018, la crise sanitaire des années 2020-2021 dont nous abordons bientôt la « saison 3 », l’accélération de la numérisation du monde… Ces dernières années n’ont pas été de tout repos, et il faudra sans doute évoquer, à mieux y regarder, une époque de « basculement du monde » dont les formes ne nous sont pas encore complétement visibles et éclaircies.
Mais, pour l’heure, puisque le temps du « grand déballage et du grand questionnement » est venu, il me semble nécessaire de « reposer », une fois de plus, la question sociale sur la table, et pas seulement à travers l’âge de départ en retraite ou les modalités de celle-ci. Oui, la question sociale mérite toute notre attention, au moment où la globalisation marchande et désormais numérique reprend son cours insolent et dévastateur. Quels emplois pour demain ? Quelles productions, et comment les concilier avec les enjeux climatiques et environnementaux, mais aussi sociaux et nationaux (voire provinciaux) ? Mais aussi quel sens donner aujourd’hui au travail, à l’heure où chômage récurrent et pénurie de main-d’œuvre dans nombre de domaines semblent cohabiter dans notre société de façon schizophrénique ? Ces questions ne sont pas, à mon sens, inséparables du débat politique et institutionnel, mais je les entends peu, si ce n’est par intermittence, quand une entreprise ferme une usine en France pour délocaliser sa production ou que des grèves éclatent pour réclamer des hausses de salaires, par exemple. Et pourtant ! La fermeture de nombreux services d’urgence dans les hôpitaux (comme à Laval cette semaine), la difficulté à recruter du personnel soignant ou à « repeupler » les déserts médicaux, ne sont pas des questions anodines et elles nécessitent, au-delà de quelques mesures d’urgence (c’est le cas de le dire…), une véritable stratégie d’ensemble que seul l’État peut engager ou susciter, non par étatisme malvenu ou dirigisme maladroit, mais par exigence politique de justice sociale qui, dans ce cas, peut se traduire par une politique d’aménagement intelligent des territoires (dans le cadre de « l’équité territoriale ») et de motivation des énergies humaines. S’il serait dangereux d’étatiser la Santé en France, il n’est pas inutile, en jouant sur les leviers de la formation et de l’incitation, de susciter des vocations médicales et infirmières, et de valoriser l’accueil de celles-ci, autant en ville que dans nos campagnes. La France, dans ce jeu particulier (et dans nombre d’autres), a un atout qu’elle semble parfois hésiter à utiliser, c’est celui de la « matière grise » : contrairement à ce que l’on pourrait croire au regard des classements internationaux des lieux d’enseignement et des matières enseignées, la France est le pays des inventeurs et des intelligences. Ce qui manque, c’est la volonté et la stratégie politiques nécessaires à la mise en ordre et en valeur des énergies humaines françaises, et cela explique la trop forte émigration de nombre de nos jeunes vers des pays plus accueillants ou meilleurs payeurs…
La question sociale en France, à travers l’exemple de la Santé évoqué ci-dessus, n’est pas insoluble. Mais elle nécessite aussi, au-delà de la volonté, de s’inscrire dans le long terme et non dans une sorte de « présentisme permanent » qui oublie le lendemain ce qui a été pensé la veille. Sans être un « sceptre magique », la Monarchie royale, par son enracinement dans le temps long et dans la suite dynastique des générations, pourrait offrir à notre société quelques solides bases pour mieux traiter cette question sociale qui, depuis plus de deux siècles, hante notre inconscient national et, parfois, déborde en colères, sinon toujours justes, du moins justifiées…
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