Les vacances scolaires sont un moment propice à la relecture de mes textes anciens, et j’en profite aussi pour les réécrire si besoin est, pour les compléter et, quoiqu’il en soit, pour les publier dans la foulée.
Au début de l’année 2008, le président de l’époque, M. Nicolas Sarkozy, évoquait une rapide ratification du traité constitutionnel qui, trois ans auparavant, avait été repoussé par les électeurs français (à 55% environ) et néerlandais (à 62%!), et la question européenne revenait sur le devant de la scène, avec nombre de propos politiciens qui peuvent faire sourire presque quinze ans après… J’avais alors remarqué l’article de Catherine Chatignoux dans Les Échos, et j’en avais repris quelques phrases pour les compléter et les valoriser (sans partager l’européisme de l’autrice) en signalant quelques éléments utiles à la réflexion politique et géopolitique. Cela tient en deux notes de ce site, désormais reproduites ci-dessous (la seconde sera mise en ligne dans quelques jours).
2008 sera une année européenne, qu’on le veuille ou non, dans le sens que c’est cette année-là qui doit voir la ratification de la Constitution européenne, plus exactement du traité modificatif signé à Lisbonne en décembre, traité qui reprend les grandes lignes de la précédente mouture née sous la direction de M. Giscard d’Estaing. C’est aussi celle pendant laquelle la Slovénie, qui préside l’Union européenne, va chercher à accélérer l’entrée dans l’UE des différents pays des Balkans et, pourquoi pas, de l’Ukraine, voire de la Géorgie, dans une sorte de fuite en avant qui se marque plus par un élargissement frénétique plus que par un approfondissement raisonné : c’est d’ailleurs ce que signale Catherine Chatignoux dans un article, certes européiste mais fort réaliste, paru dans « Les échos » du vendredi 4-samedi 5 janvier 2008. Ainsi, elle écrit : « L’élargissement de l’Europe ne fait donc aucun doute. Et, à l’exception peut-être de la Turquie dont le rattachement à l’Europe pose un vrai problème géographique et politique, personne sur le Vieux Continent ne conteste la logique historique inéluctable de la construction de cette Europe élargie. Ce qui reste vague, en revanche, c’est le projet. Plus l’ensemble s’élargit, plus il perd en cohérence. Plus il est hétéroclite, plus le projet commun perd en consistance. Cette question-là reste taboue. Et si elle n’a jamais été abordée, c’est parce qu’elle divise, profondément. Certains pays membres se contenteront d’un marché de plus d’un demi-milliard d’habitants, vaguement harmonisé. D’autres rêvent d’une Union plus intégrée où s’organisent des politiques communes qui poussent à la convergence des niveaux de vie et des valeurs. Entre élargissement et approfondissement, l’Union européenne a toujours balancé. La pression de l’histoire et l’absence de volonté politique sont en train de la faire basculer inexorablement du côté de la facilité. »
Plusieurs remarques s’imposent :
1° : La « logique historique inéluctable » de la construction européenne n’est pas autre chose qu’une forme de messianisme géopolitique qui s’appuie sur une idée jadis récupérée par les marxistes et les régimes qui se réclamaient de Lénine, c’est-à-dire « le sens de l’histoire » qui devrait forcément mener à un nouvel Eden pour l’humanité, en l’occurrence un monde sans États ni classes, globalisé et libéralisé, dont l’UE serait une étape obligatoire… Or, l’Histoire nous enseigne plus d’humilité et son étude doit nous rappeler qu’elle est pleine de surprises et de retournements : si elle peut être prévisible, elle n’en reste pas moins le règne de l’inattendu : elle n’est jamais écrite une fois pour toutes ! Ne reproduisons pas l’erreur occidentale de la « fin de l’Histoire » qui a illusionné les années 90 avant les réveils tragiques des guerres en Yougoslavie et du 11 septembre 2001… Se limiter à un seul « avenir possible » c’est se condamner à ne pas se préparer à l’avenir concret et à se laisser aller au fil de l’Histoire comme le chien crevé au fil de l’eau comme s’il s’agissait d’un long fleuve toujours tranquille. D’autre part, c’est faire peu de cas du Politique et de son sens profond, de son autonomie indispensable qui doit lui permettre de ne pas être qu’un appendice de l’Économie. C’est négliger les hommes, les peuples, les nations, les mémoires, les idées…
J’ai à maintes reprises évoqué d’autres « avenirs possibles », parfois plus prévisibles qu’on le dit généralement… D’où mon rappel fréquent de cette formule gaullienne : « les alliances sont saisonnières ». Ce qui n’empêche pas, bien sûr, de souligner les « lignes de force » de la géopolitique mais qui, justement, semblent négligées par les européistes, au risque de subir les revanches d’une Histoire parfois rancunière et colérique… Doit-on rappeler que ce qui était « impossible » (note de 2022 : c’est-à-dire la guerre à nouveau sur le sol européen, entre Européens) aux yeux des européistes des années 20, des Aristide Briand et autres Jean Monnet, a balayé de la façon la plus terrible les rêves de la SDN et des « États-Unis d’Europe » (formule d’ailleurs reprise par les collaborationnistes parisiens des années 40, persuadés que « l’Europe » se faisait, illusion soutenue par la propagande de la « Grande Europe » hitlérienne…) ? Il ne faut jamais souhaiter le pire mais savoir qu’il reste toujours possible et s’en prémunir le plus qu’il est possible sans s’empêcher de vivre et, justement, pour vivre encore demain : l’espérance est une belle fleur qu’il faut soigner et protéger pour qu’elle donne sa plus belle floraison…
(à suivre)
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.