Cela fait quelques années déjà que la question des retraites anime, parfois jusqu’à l’émeute, le débat politique et social : la réforme de 2023, mal agencée et sans doute fort inappropriée, a suscité une forte, virulente et jamais complètement éteinte contestation de la part du monde du Travail. Le président Macron la croyait, ainsi que ceux qui l’avaient soutenue, définitive un an après son adoption controversée, mais c’est lui-même qui l’a remise en cause avec sa dissolution et ses suites électorales : son abrogation est devenue un argument de campagne pour une Gauche qui recherchait une base électorale plus large que celle des bourgeoisies progressistes urbaines qui l’ont presque plébiscitée durant les récents scrutins européen et législatif. Mais, il ne faut pas se leurrer : une grande part de cet électorat du Bloc bourgeois ne croit pas, n’a jamais vraiment cru en cette promesse de campagne, et j’ai pu constater, à travers quelques discussions, qu’elle ne s’intéressait pas à cette question qui la motive moins que les problématiques sociétales et individualistes. C’était déjà le cas sous le quinquennat Hollande, pas particulièrement social… En revanche, nombre de travailleurs industriels et tertiaires, y compris parmi l’électorat de la Droite nationale, attendent cette abrogation avec une certaine impatience et beaucoup d’espoir, et ils risquent de se détourner un peu plus de la tentation de gauche si les députés du Nouveau Front Populaire prenaient le risque de ne pas voter pour la proposition d’abrogation déposée fin octobre par le Rassemblement National à l’occasion de sa niche parlementaire. N’oublions pas que les atermoiements de M. Bardella sur un éventuel report de cette abrogation (1) s’il parvenait au poste de Premier ministre lui ont, sans aucun doute, coûté quelques centaines de milliers de voix au second tour des législatives anticipées et un nombre significatif de sièges : la leçon a été retenue de ce côté-là de l’hémicycle. Mais a-t-elle été comprise à gauche ?
Le tir de barrage contre cette abrogation voulue, selon les études d’opinion, par une très large majorité des Français en activité professionnelle aujourd’hui (2), est massif : milieux économiques et patronaux, technocrates européens, experts autoproclamés, et évidemment l’actuel gouvernement démissionnaire, fort marri de voir l’une des réformes majeures de la Macronie ainsi remise en cause. Il est tout aussi vrai que les réponses apportées par la Gauche à cette doxa libérale anti-abrogation sont maladroites et, sans doute, fort inappropriées aux enjeux : annoncer que les nouveaux besoins financiers induits par cette abrogation seront couverts par de nouvelles taxes et, peut-être, de nouvelles hausses d’impôts, est éminemment contre-productif et évidemment périlleux pour les finances de notre pays, surtout en cette période de fort endettement public (3.200 milliards d’euros, soit bien plus que le PIB de la France). Comme si la Gauche faisait tout pour rendre à la fois impossible et impopulaire cette abrogation pourtant officiellement désirée !
Et pourtant ! Cette abrogation de la réforme des retraites de 2023, réforme mal préparée et socialement injuste, est possible, au-delà d’être nécessaire. Encore faut-il bien poser les éléments du débat économique et social, et éviter les solutions de facilité, trop démagogiques pour être acceptables et réellement efficaces.
(à suivre : quelles solutions pour une abrogation crédible ? Les propositions, pistes et perspectives avancées par les Royalistes sociaux ; la problématique démographique ; la grande question du travail ; la prise en compte de la pénibilité et de la profession, etc.)
Notes : (1) : M. Bardella, en quête de crédibilité près du patronat et des acteurs dirigeants et cadres de l’économie productive, a semblé hésiter sur cette abrogation pourtant évoquée depuis longtemps dans les discours et programmes du RN, et cela s’est entendu ! Cela au moment même où les sondages l’annonçaient pourtant comme vainqueur probable des deux tours, ce qui n’a été vérifié qu’au premier, en définitive… Cette maladresse, au cœur de la campagne, a semé le doute sur sa véritable intention à l’égard de cette réforme des retraites législativement et légalement passée avec le recours au fameux article 49-3...
(2) : Les retraités eux-mêmes, en revanche, ne sont guère favorables à l’abrogation de cette réforme de 2023, car inquiets de voir leurs pensions de retraite dévaluées si l’âge légal de départ à celle-ci était abaissé…