Un de mes interlocuteurs réguliers, sur le blog comme au lycée, m'a transmis un article publié dans Le Monde daté du 29 septembre et signé du président (PS) de la région PACA, Michel Vauzelle. Le commentaire de mon correspondant écrit en marge de l'article me signalait que ce point de vue "montre la décentralisation-arnaque de l'intérieur". En fait, il y aurait une majuscule à rajouter à ce dernier mot, car c'est aussi le gouvernement et son ministère de l'Intérieur qui est largement responsable (comme le souligne d'ailleurs Vauzelle) de cette "décentralisation-arnaque", véritable négation d'une décentralisation bien comprise et bien menée.
Michel Vauzelle, qui appartient à un parti qui s'est longtemps signalé par un jacobinisme ardent, "au nom de la République Une et Indivisible", dirige une région qui a donné à la France de grands écrivains et penseurs du régionalisme, voire (le mot est certes piégé, en particulier du fait de sa récupération par les européistes, mais il reste pourtant valable) du "fédéralisme", comme Frédéric Mistral ou encore Charles Maurras, celui qui a relié le problème de la décentralisation à la question des institutions. Je relisais il y a peu l'un des ultimes ouvrages de Maurras, "Votre bel Aujourd'hui", qui m'a, en ses quelques pages sur "Le second bien public de la France", profondément marqué, en particulier en tant que Français d'origine bretonne soucieux de voir vivre sa région et de la voir se développer sans menacer pour autant l'unité française.
Je cite ces quelques lignes qu'il m'arrive fréquemment de citer dans mes articles ou mes discours: "Notre essentiel vital, qui est de ne pas être envahis, nous a contraints à concentrer les pouvoirs confédéraux et fédéraux, disons mieux : nationaux, dans l'enceinte de l'unique Etat royal. Alors décentrons tout le reste. Que tout ce qui n'est pas essentiel à cette autorité protectrice de la sûreté nationale revienne donc à chacun de ses maîtres normaux : provinces, villes, pays, villages, métiers, associations, corps, compagnies, communautés, églises, écoles, foyers, sans oublier la personne d'aucun de nous, citoyens et hommes privés. Tout domaine que l'Etat s'est approprié indûment doit être redistribué entre tous, dans la hiérarchie de la puissance et des compétences de chacun".
Michel Vauzelle, sans le savoir (sans le vouloir...), reprend une thématique toute maurrassienne quand il écrit: "Le système parisien de communication leur ["ceux qui gouvernent la province depuis Paris"] permet d'écraser aisément sous l'injure de "populisme" toute forme de protestation provinciale. Et ce sont les mêmes qui étouffent, dans le même temps, la démocratie participative de proximité. La droite ultralibérale et la gauche jacobine travaillent dans le même sens". Bien sûr, Maurras aurait préféré au terme de démocratie le terme de "république" ou de "libertés" locales pour signifier la nécessaire respiration civique et "participative" des citoyens, des communes et des provinces...
Néanmoins, que M. Vauzelle, si loin des positions royalistes d'Etat, défende avec virulence le droit des provinces contre ce qu'il qualifie aussi de "politique people" (mais n'est-ce pas la suite logique de la "spectacularisation" de la politique évoquée jadis par les situationnistes mais aussi par les royalistes des années 70 ?), ne peut que me renforcer dans mes convictions : l'Etat doit retrouver sa place et ses pouvoirs régaliens, et doit être le "trait d'union" entre les provinces, et non ce monstre administratif, trop pesant et peu plaisant. Mais la République, de par sa nature et son idéologie en France (qui n'est pas forcément celle des autres Républiques d'Europe), n'est pas le meilleur moyen d'atteindre à la juste redistribution des pouvoirs et à la nécessaire unité pour les arbitrer et les garantir.
Les royalistes décentralisateurs du XIXe siècle évoquaient "les républiques françaises sous le patronage du roi de France"; Maurras parlait du "roi des provinces unies"... Michel Vauzelle devra bien finir par conclure à cet Etat "fort en son centre, habile en ses membres" qui, en France, porte un nom et de multiples espérances : la Monarchie, active et fédérative. Elle est la condition de la décentralisation équilibrée et raisonnée, elle n'en est que la condition, mais elle est la seule préalable au reste...
vive Sarko !!!
Rédigé par : RPR | 07 octobre 2005 à 18:01
La monarchie n'a t-elle pas été la force la plus centralisatrice jamais mise en oeuvre jusqu'à présent, celle qui a réussi a faire plier le système " décentralisé " féodal et à tout concentrer en un seul point ?
Rédigé par : Matthieu | 07 octobre 2005 à 18:40
Ne confondons pas tout: entre la construction d'un Etat et de son unité, d'une part, et la destruction des provinces au nom d'une Nation (idéologique et non plus concrète et vécue) Une et Indivisible d'autre part, il y a une différence, non de degré, mais de nature. Richelieu n'est pas Napoléon, me semble-t-il.
Je consacrerai une note prochaine à cette question fort intéressante que pose Matthieu.
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 07 octobre 2005 à 18:51
Je ne suis loin de tout savoir au contraire et pose toutes ces questions " polémiques " justement pour l'approfondir et avoir un point de vue intéréssant et ( si possible ;) ) argumenté
Rédigé par : Matthieu | 07 octobre 2005 à 19:22
C'est une bonne initiative: laissez-moi quelques jours pour préparer une note sur ce sujet et, aussi, une petite bibliographie. Un colloque a eu lieu il y a 3 ans sur le sujet de la décentralisation et il a précisé quelques éléments sur ce thème, je m'en inspirerai et indiquerai ses références. La "vaste question" de la décentralisation mérite effectivement un grand débat car il s'agit de la "respiration de la France" selon une belle formule entendue il y a peu.
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 07 octobre 2005 à 20:18
sans être royaliste, je rejoins l'opinion qu'une décentralisation équilibré serait des plus bénéfique pour la france, et pour la stbilité de la démoncratie, redonnant place a cette politique de proximité permettant a tout un chacun de s'interesser a un débat local, qui le concerne directement.
Ensuite, bien que les principes de bases soient apparament contraire a une décentralisation, je crois tout a fait possible l'évolution de notre république, actuellement une géronto-énarchie parisienne, évoluer avec bon sens vers cette décentralisation.
ensuite, la question qui m'interesse, c'est e savoir d'où vient cette volonté de centralisation, connaitre l'origine des comportements qui y ont conduits... la faute entière aux révolutionnaires? j'ne doute... un comportement social francais? peut être... mais lequel, comment, depuis quand...
Sans doute m'élitisme républicain, qui selon Eric Maurin, directeur de recherche a l'ehess (hautes études sociales) pense que c'est « La véritable idéologie française». En effet, cette volontée de pouvoir, partout en france, avoir les même chances de promotions sociales que ses équivalents sociaux d'autre régions... en effet, ca semblerai logique... j'y refléchirait.
si vous voulez cet article (dans un suplément 'économie' du monde, sur le modèle social francais), je vous le passe sans problèmes m'sieur.
Rédigé par : Clément | 08 octobre 2005 à 00:11
Décentralisation...
Il faudrait aussi savoir ce que l'on entend par là, mmh?
Decentralisation des pouvoirs? Créer un systeme a la suisse de cantons, ou à l'Irlandaise de Comptés, et leur laisser un pouvoir immense? Et par la même créer une décentralisation des systeme éducatifs?
Evidemment, ca nivellerait les chances sociales.
Mais comme cela créera une systeme de mini etats à l'interieur d'un autre etat-matrice...
Les chances sociales ne seront plus inéquilibrées, elles seront... Centralisées.
En effet, un etudiant sorti d'une grande ecole du compté 1, trouvera du boulot dans le compté 1, s'établiré dans le compté 1, et avec de la chance prendre sa retraite dans le compté 1, ou partira faire le tour du monde en camping-car...
Nous nous retrouvons donc avec un schéma de centralisation, mais une centralisation individualisé, incontrôlable.... Et nous revenons en quelque sorte au point de départ.
Alors, avant de dériver sur la géronto-énarchie, qui est d'ailleurs largement concurrencée par la juveno-enarchie dans notre systeme, j'aimerais que m'sieur Chauvin nous dise exactement ce qu'il entend par une decentralisation... Les mots qui ont plusieurs sens doivent toujours s'en voir donner un spécifique, dirait un prof de latin ;)
Deuxieme point, je voudrais exprimer la dessus l'expression de mon etonnement rigolard :
"Tout domaine que l'Etat s'est approprié indûment doit être redistribué entre tous, dans la hiérarchie de la puissance et des compétences de chacun".
Bien. Voyons ca...
Il vient de dire, deux lignes plus haut, que l'Etat a centralisé toute la puissance dans ses mains, et n'en laisse que peu aux provinces; donc, que c'est la Capitale qui a le plus de pouvoir, et que les provinces en ont peu. On est d'accord?
Et il faut redistribuer dans la hiérarchie de la puissance et des competences de chacun?
Mais... Ne vient-il pas de dire, justement, que les provinces n'avaient ni puissance, ni competence, que seul l'Etat centralisateur en avait?
Donc il faudrait redistribuer les pouvoirs à ceux qui les ont deja?
Y'a quelque chose qui m'échappe...
Sans chicaner sournoisement sur les mots, ce que je reconnais assez peu constructif, comment évaluer la puissance et lescompétences de provinces qui n'ont pas eu l'occasion de les montrer? Comment les noter? Etrange...
Allez, monsieur, une ptite page pour éclaircir tout ca...
Clement, je veux bien l'article :D
Rédigé par : Hugo | 09 octobre 2005 à 11:52
La puissance des provinces tient, entre autres, dans leurs potentialités économiques et leurs capacités de développement dans tel ou tel secteur d'activité. Aujourd'hui ces potentialités et ces capacités ne trouvent pas exactement un prolongement dans la réalité politique nationale et, surtout, les institutions d'une région se trouvent parfois démunis, politiquement parlant, des moyens de soutenir ou mettre en valeur ses "avantages", ce qui explique des crises dans l'aménagement même du territoire et des rancoeurs à l'égard de l'Etat central, ce que, à la suite de Maurras (qui écrivait pourtant à une autre époque), M. Vauzelle signale.
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 10 octobre 2005 à 16:38
Peut-être, mais quelles sont vos propositions? Vous exposez des problemes, mais pas les moyens d'y repondre. Décrivez moi l'art décentralisatoire Chauvinesque: pour les problemes que vous y voyez, j'ai lu la note ;)
Rédigé par : Hugo | 10 octobre 2005 à 18:01