La Chine est un nouveau géant qui a soif d'énergie et de conquête (et celle-ci passe désormais par l'économie et le commerce), et qui cherche à tout prix, comme l'avait jadis fait Staline et l'URSS, à devenir la première puissance mondiale, fût-ce en payant un prix très lourd, autant sur le plan social qu'environnemental. La récente pollution au benzène qui a privé 9 millions de Chinois d'eau potable en est une preuve supplémentaire. Mais cette catastrophe, qui est d'ailleurs sans doute appelée à se reproduire si l'on en croit les analystes, risque de ne pas changer grand chose à l'attitude des Chinois face aux problèmes environnementaux: à tel point que "Le Figaro" pouvait titrer il y a quelques jours sur "la Chine, premier pays pollueur du monde".
Il serait du devoir des autorités de pays comme la France de proposer à la Chine de lui apporter son expérience technique et environnementale face à des pollutions qui pourraient être évitées. Le problème est évidemment la susceptibilité du pouvoir chinois qui, jaloux de son indépendance, n'est pas encore prêt à accepter ce genre de secours. Mais sans doute faut-il essayer d'entamer un travail diplomatique qui permettrait de faire évoluer la position chinoise. Pour l'instant, la diplomatie française semble ne pas avoir encore saisi l'importance d'une "diplomatie environnementale" dont, pourtant, l'urgence se fait de plus en plus sentir, et pas seulement dans le monde asiatique. Il y a pourtant là un champ d'action et de proposition qu'il ne faut pas négliger et sur lequel la France pourrait s'appuyer pour continuer à jouer un rôle de premier plan sur la scène mondiale. L'ébauche de cette diplomatie, il y a quelques années, par M. Chirac lors d'un discours fameux, n'a pas été suivi d'effet: sans doute parce que la République, qui est comme le signalait Anatole France "l'absence de roi", n'a pas cette "mémoire active" qui reste l'apanage de la Monarchie héréditaire, de la succession dynastique qui impose au souverain de "sauvegarder l'héritage"...
Le pouvoir chinois à tous les niveaux est conscient du risque écologique. Et s'il s'en détourne un instant, un accident comme celui de Harbin le rappelle à l'ordre.
Le problème est que les moyens disponibles obligent à hiérarchiser les priorités.
La première est la paupérisation galopante de la classe ouvrière et paysanne débarquée du train de la production. Les émeutes de chômeurs sont réprimées. Les manifestations de retraités miséreux commencent.
La seconde est la misère incompressible de la population active des campagnes qui malgré un exode massif, supporte un décalage d'au moins trente ans de développement sur les zones développées. Les émeutes grondent.
Pour ce qui est de l'environnement stricto sensu, le défi est l'avancée du désert sur Pékin allié à des complexes sidérurgiques très polluants que l'on arrêtera le temps des Jeux olympiques. Il faut sauver la capitale de son ciel de soufre. L'autre défi est l'état général lamentable par tout le pays de l'adduction d'eau* et de l'assainissement*.
Alors quand vous proposez à la Chine les conseils diplomatiques des Français qui n'arrivent pas à redresser leur pays alors qu'ils sont riches, éduqués, peu nombreux et à l'abri d'une croissance échevelée qui casse tout, attendez vous à un sourire de remerciement poli, parce qu'ils sont au courant de tout.
A la différence de nous, ils ont intégré dans leur système politique le vecteur "temps". Finalement la RPC est l'empire le plus efficace que le pays ait connu depuis longtemps. L'empereur y est remplacé par un petit comité restreint inamovible, qui "veille au salut de l'empire" ! La trajectoire hégémonique est pour l'instant impeccable.
Le Congrès des Etats-Unis le constate avec un certain effroi.
Note (*) : Nos entreprises-majors de l'eau sont en Chine et travaillent bien.
Rédigé par : catoneo | 29 novembre 2005 à 17:59
je passais par hasard, soyez en sûr, et j'ai le regret de constater que l'article sur la susceptibilité (en particulier face à un certains "potage"...) tant promis n'y est pas encore .... quelle déception =p ...
Rédigé par : hochiste | 30 novembre 2005 à 13:32
deux articles très intéressants sur la pollution en Chine ont été publiés dans Le Figaro de samedi 26-dimanche 27 novembre: j'y reviendrai.
Quant à la "susceptibilité" évoquée dans les séances d'ECJS, là aussi, j'en ferai une prochaine note: un peu de patience...
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 30 novembre 2005 à 18:27
"La seconde est la misère incompressible de la population active des campagnes"
Depuis quand la misère est incompressible ?
Rédigé par : Matthieu | 30 novembre 2005 à 22:17
Depuis quand ?
Lorsque la pression démographique en un lieu donné et dans tous les lieux accessibles autour de lui, excède les capacités de production du terroir considéré.
Le comblement du hiatus fait appel alors à l'aide externe, aide qui entre dès ce moment dans l'échelle de hiérachisation des priorités.
La question suivante serait "comment grimper l'échelle ?". La réponse marxiste est : par la lutte. Ce que nous appelons chez nous, la jacquerie ou l'émeute.
Rédigé par : catoneo | 30 novembre 2005 à 22:32
ou la chouanierie. ehehehe.
Rédigé par : Clément. | 30 novembre 2005 à 23:32