Je profite des vacances scolaires pour lire (ou relire) nombre d'essais politiques et historiques ainsi que quelques romans, d'ailleurs souvent eux-mêmes inspirés par l'Histoire. Me voici ainsi replongé dans l'oeuvre d'Anatole France, cet écrivain socialiste ami de Jaurés et lecteur de Maurras, écrivain qui n'a pas hésité à dépasser les clivages habituels et à se moquer des conformismes, y compris républicains.
Son livre, que je relis pour la dixième fois peut-être, "Les dieux ont soif", est une dénonciation fine et parfois teintée d'ironie du système de la Terreur à travers le destin d'Evariste Gamelin, artiste médiocre plein de grands sentiments et de certitudes, devenu juré au Tribunal révolutionnaire durant la période du pouvoir robespierriste. Au-delà même de l'époque évoquée, Anatole France montre comment les idées "généreuses" deviennent inhumaines au nom de "l'Homme nouveau" à construire, vieille utopie révolutionnaire qui a pourtant irriguée les totalitarismes du XXe siècle. La lecture des textes de la presse communiste, surtout française, durant la période de l'Union soviétique sont, à cet égard, révélateurs, et, au regard des réalités pratiques du communisme russe, apparaissent comme autant d'aveuglements terribles.
L'attitude de certains intellectuels ralliés à ce qu'ils qualifiaient d'"espérance populaire" fut parfois aussi peu honorable: lorsque Sartre déclare "Tout anticommuniste est un chien" ou qu'il vaut mieux ne pas aborder certains aspects de la réalité communiste pour "ne pas désespérer Billancourt", il montre là une curieuse conception de la vérité et du respect de la dignité humaine... Relire "Les dieux ont soif" n'est jamais inutile pour se prémunir contre certaines attitudes et certains préjugés.
Mais Anatole France, ce républicain ambigü, a écrit bien d'autres livres dans lequel le royaliste que je suis trouve de multiples raisons de ne pas céder aux sirènes de la facilité et du conformisme. Il faudrait ainsi évoquer "L'île des pingouins" ou, même, "L'orme du mail"...