Jeudi matin, alors que je me rendais au lycée, la radio annonçait, vers 7h30, la victoire supposée du Fatah aux élections palestiniennes, par 42 % contre 35 % au Hamas des islamistes. Alors que j'allais sortir de voiture, une information nouvelle bouleversait la donne et semait la panique parmi des commentateurs qui n'avaient rien vu venir: le Fatah reconnaissait la victoire, écrasante, des islamistes...
Ainsi, démocratiquement, c'est-à-dire par la voie des urnes, les électeurs palestiniens, dans leur grande majorité, ont choisi d'accorder leurs suffrages aux islamistes, à ceux-là mêmes qui, officiellement, dénie à une nation, Israël, de vivre, d'exister; à ceux-là mêmes qui, à Bethléem, ont décidé de faire payer un impôt à ceux qui ne sont pas musulmans; à ceux-là mêmes qui veulent l'application de la Charia, la loi islamique, sur la société palestinienne et qui obligent les femmes au port du voile...
Ce n'est pas la première fois dans l'Histoire que la démocratie sert de marche-pied à des mouvements extrêmistes ou totalitaires, parfois au sein même de l'Europe, aux portes de la France. Ce n'est pas la première fois qu'elle "légitime", au nom de la majorité des suffrages exprimés, au nom de cette "volonté générale" chère à Rousseau, des idéologies pourtant reconnues et dénoncées comme dangereuses.
Ainsi, il faut bien reconnaître que, parfois, la démocratie n'est pas un obstacle au "pire" et, même, au contraire, elle peut servir de "bouclier" à ces élus "par le Peuple", puisque ceux-ci peuvent se prévaloir d'être choisis par "le plus grand nombre", principe de base de la démocratie. Ainsi la formule, terrible, de l'écrivain royaliste Georges Bernanos, qui énonce que "les totalitarismes sont les fils de la démocratie", trouve ici une redoutable confirmation. Il est heureux que la démocratie ait d'autres fils...
Mais, dans un monde où elle est souvent trop sacralisée pour pouvoir être discutée, les résultats électoraux de Palestine, sans pour autant préjuger de l'évolution future du Hamas et de ses positions, nous rappellent que la démocratie n'est pas toujours "la" solution mais parfois un "problème" dont la solution elle-même peut être extérieure aux principes démocratiques... Reste à penser, ainsi, les possibilités et les formes, civiques et intellectuelles, de cette "post-démocratie" qui s'annonce...