Au début des années 1990, sous l'impulsion de Nicolas Portier, véritable théoricien du royalisme contemporain, de nombreuses pistes de réflexion avaient été ébauchées en de multiples domaines, en particulier sur la nation et les défis contemporains qu'elle avait à affronter. Le problème des "banlieues" se posait déjà, avec des crises à répétition, et Portier se faisait fort critique envers le mode d'intégration que la République mettait alors en avant, mode d'intégration individualiste et qui, déjà, montrait ses limites.
Aussi est-il fort intéressant de retrouver sous la plume de Daniel Cohen, dans l'édition du mardi 11 janvier du quotidien "Le Monde", des propos que Portier évoquait il y a 15 ans: "Les jeunes des cités sont privés des solidarités intrafamiliales qui rendent le "modèle français" supportable aux autres jeunes. La question "culturelle" apparaît ici, mais sous une forme inverse de celle ordinairement posée. Contrairement à l'image d'Epinal d'un communautarisme fort qui serait en soi un facteur d'exclusion, l'existence sociale des jeunes dans les banlieues est fragile du fait d'un lien communautaire faible.
"L'exemple américain, même s'il est inacceptable en France, montre que l'intégration des minorités est bel et bien fonction de la force des solidarités intracommunautaires. (...)
"La crise des banlieues ne se comprend pas si on l'interprète comme l'expression d'un communautarisme fort ; ce serait plutôt le contraire. Ce constat ne veut certes pas dire qu'on doit le regretter. Il signifie que la République française doit prendre conscience du fait que son système fonctionne sur des solidarités privées dont sont dépourvus les plus démunis. Faute d'y suppléer elle-même, elle ne devra pas s'étonner que le communautarisme se présente comme une solution au problème qu'elle n'aura pas su résoudre".
Effectivement, pour éviter les dérives communautaristes et la "ghettoïsation" de nombreux jeunes, déracinés socialement car culturellement, il apparaît nécessaire de penser, au-delà du seul mode d'intégration individuelle, de nouvelles approches "communautaires" (sans être "communautaristes") de l'intégration, non plus seulement à une société de consommation, forcèment insatisfaisante sur le plan culturel comme spirituel, mais à l'histoire et au devenir de la nation française. Cela nécessite aussi une conscience claire de ce qu'est la nation, dans son être historique et politique.
On peut dire autrement. Ces populations n'ont accès qu'au guichet de la consommation, et sont refusés aux guichets culturel et éducatif, parce qu'ils sont dès le départ décérébrés dans leur milieu étroit.
Je ne sais pas si la crasse communautaire qui les lestent au point de leur interdire toute assimilation, est l'environnement le plus efficace. A mon sens, non !
Ceux qui s'en sortent (il n'y en a pas mal quand même) ont presque tous coupé les ponts avec leur communauté. Ils entrent dans les librairies, vont parfois au théâtre et regardent Arte. Et sont friands de discussions de tous ordres sans rapport avec les Evènements.
Juste pour rebondir.
Rédigé par : catoneo | 13 janvier 2006 à 12:02
Ce débat est intéressant parce que nous avons des communautés différentes et leurs capacités à jouer un rôle intégrateur sont certes fort diverses. Mais si l'on regarde le cas des communautés d'origine italienne ou portuguaise, on constate que leur intégration s'est faite plus sur un mode communautaire qu'individuel, et qu'ils se sont bien intégrés en France parce qu'ils n'étaient pas déracinés de leurs communautés et traditions d'origine. Il y a des difficultés pour d'autres communautés parce que le déracinement lié à la migration a été accentué par un choc culturel, voire religieux, et par une société de consommation qui s'est refusée de penser les rapports autrement qu'individuellement avec les nouveaux arrivants, déjà marginalisés par l'absence de relais, de "sas d'intégration" communautaires, à l'inverse des communautés arrivées plus précocement, dans une société qui n'était pas encore totalement préoccupée par la "culpabilisation" et la "peur d'être soi-même".
Le débat est ouvert: je cherche à ouvrir quelques pistes, mais je ne sais pas encore quelles sont celles qui peuvent vraiment résoudre les problèmes évoqués. Donc, je propose et j'écoute les réactions, c'est comme cela, pragmatiquement, que nous avancerons sur ce terrain délicat.
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 13 janvier 2006 à 15:17