Dans notre pays, ce n’est pas toujours l’Etat qui joue les censeurs, mais plus souvent des directeurs de théâtre, des intellectuels ou des journalistes : l’ "affaire Peter Handke" en est la plus récente illustration.
La déprogrammation d’une de ses pièces par l’actuel administrateur de la Comédie-Française au motif que Handke, écrivain autrichien connu pour son engagement aux côtés des Serbes, s’est rendu à l’enterrement de Milosevic, est néanmoins, et fort heureusement pour l’honneur de la presse, vivement condamné dans de nombreux articles parus jeudi 4 mai, que cela soit dans Libération, Le Monde ou Le Figaro. Les journalistes signalent que la pièce déprogrammée a été écrite bien avant les prises de position polémiques de Handke et qu’elle ne concerne en rien les événements de Yougoslavie des années 80. D’ailleurs, la plupart des défenseurs de Handke dans cette affaire ne partagent pas ses engagements.
J’ai retenu quelques lignes d’Antoine de Gaudemar dans Libération qui me semblent mériter d’être citées : « La liberté d’expression a ceci d’exigeant, parfois même de tyrannique, qu’elle doit s’appliquer dans le respect de la loi, à ceux qui ne pensent pas comme les autres ou avec qui nous sommes en total désaccord, ou alors il faut retirer de la circulation les romans de Céline et de Brasillach » . J’y ajoute les propos d’Elfriede Jelinek, prix Nobel de littérature 2004, publiés dans Le Figaro : « En ne présentant pas sa pièce, la Comédie-Française, au passé si riche, s’inscrit dans la pire tradition de ces institutions culturelles qui, au temps des dictatures, mettent au rancart les artistes gênants et les condamnent au silence. Quiconque empêche un artiste d’exercer son métier commet un crime, non seulement contre ce poète mais contre le public tout entier ».
La « dictature des bien-pensants » est malheureusement une réalité trop présente en notre société de « démocratie émotionnelle », et il est parfois difficile de faire entendre une voix différente de l’ « officielle pensée », comme j’ai pu souvent le constater à mon corps défendant, y compris par les pressions des inspecteurs d’Histoire-géographie de l’Education nationale Mais, pour qui croit en des valeurs plus hautes que celles des cours de la bourse ou de la « République obligatoire », la liberté, ça ne se renifle pas, ça se respire
Et à cet administrateur indélicat de la Comédie-Française, il me semble que Maurice Clavel aurait pu lancer, comme il l’avait fait un soir à la télévision pompidolienne : « Messieurs les censeurs, bonsoir ! ».
Mais la Comedie Francaise ne depend-elle pas de l'Etat...d'où une censure de ce dernier?
Rédigé par : ingenu | 07 mai 2006 à 21:13
Cet épisode semble n'être qu'un épisode dans un mouvement général d'auto-censure.
Les gens s'interdisent de dire des choses qui en n'ont rien de mal en elles même mais qui touchent de loin à des sujets tabous. Il peut par exemple être difficile d'avoir un débat raisonné sur l'immigration car celui ci tourne trop souvent à l'affrontement sans pour autant apporter de solutions.
Le danger de cette auto-censure et de cette peur de ne pas suivre la pensée majoritaire est terriblement dangereuse pour la démocratie . En effet, d'un coté il y a un discours "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" qui se rapproche trop souvent de la langue de bois. Cela laisse la place en face à un discours populiste ,et dans le cas de l'immigration, xénophobe qui gagne en audience face à une absence de débat constructif.
La liberté et la démocratie reposent sur un combat de tous les jours et j'espère que cette année de campagne présidentielle va permettre d'approfondir de nombreuses réflexions sur les problèmes politiques, sociaux et économiques que nous rencontrons.
Rédigé par : Kévin | 08 mai 2006 à 00:14
Je l'espère aussi, mais je crains que cela soit mal engagé... L'ambiance actuelle n'est guère rassurante quant au niveau du débat politique dans notre pays...
Rédigé par : J.-P. Chauvin | 09 mai 2006 à 19:13